Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 7
Le mercredi 8 octobre 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES
COURANTES
- Le
Budget des dépenses de 1997-1998
- Avis de motion portant autorisation au Comité des finances nationales d'étudier le Budget des dépenses principal
- Avis de motion portant renvoi du crédit 25 au Comité mixte permanent des langues officielles
- Avis de motion portant renvoi du crédit 10 au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement
- Bibliothèque
du Parlement
Examen de la réglementation
Langues officielles - La Loi sur la marine marchande du Canada
- Le
Budget des dépenses de 1997-1998
- PÉRIODE
DES QUESTIONS
- La défense nationale
- Les affaires intergouvernementales
- La santé
- Les Pêches et Océans
- Les transports
- Les affaires étrangères
- Les affaires étrangères
- La
justice
- La vente des appareils Airbus à Air Canada-Le règlement de l'action en libelle diffamatoire intentée par l'ancien premier ministre -La position du gouvernement
- La
vente d'appareils Airbus à Air Canada-Le règlement de l'action en
libelle diffamatoire de l'ancien premier ministre-L'enquête et la
désignation de l'organisme en faute-
La position du gouvernement
- Les travaux du sénat
- La
justice
- La vente d'appareils Airbus à Air Canada- Le règlement de l'action en libelle diffamatoire de l'ancien premier ministre-Le blâme de l'agent de la GRC impliqué-La position du gouvernement
- Les marchés publics au Québec-Les allégations concernant les pots-de-vin versés aux collecteurs de fonds du Parti libéral-La position du gouvernement
- Les travaux du Sénat
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 8 octobre 1997
[Traduction]
Visiteurs de marque
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue, au nom du Sénat, à des bénévoles qui ont prêté main-forte pendant les inondations du Saguenay et du Manitoba. Tous les Canadiens leur sont grandement redevables. En tant que Manitobain, je leur dis un «merci» bien spécial.Honorables sénateurs, je vous présente les bénévoles des inondations du Saguenay et du Manitoba. Je sais que certains honorables sénateurs voudront dire quelque chose, mais je vous rappelle que nos invités sont attendus sous peu à la Chambre des communes. Je vous demanderai donc d'être brefs.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Les inondations au Manitoba et au Québec
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, au nom de tous les sénateurs, je remercie les milliers de bénévoles et de représentants des forces armées qui ont donné leur temps, leurs efforts, leur compassion et, dans bien des cas, leur propre argent pour venir en aide aux victimes des inondations au Saguenay et, l'année suivante, au Manitoba.Honorables sénateurs, les deux inondations étaient différentes l'une de l'autre car elles étaient le reflet de la géographie de notre immense pays. Dans le premier cas, des immeubles ont été entraînés dans des précipices; dans le second cas, une masse d'eau a lentement recouvert la province. Mais la réaction des gens a été la même. Des bénévoles de tous les milieux ont quitté leurs foyers au Manitoba et à la grandeur du Canada pour venir aider les victimes du Manitoba. Au Québec, des gens de cette province et d'ailleurs au pays se sont rendus au Saguenay pour porter secours aux victimes de l'inondation. L'esprit de coopération et d'entraide qui nous a unis une fois de plus ce jour-là est une source de fierté pour le Canada.
Au nom des Manitobains et des Canadiens, je vous remercie d'avoir été là lorsque nous avions tellement besoin de vous.
(1410)
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, la semaine dernière au Sénat, j'ai remercié des particuliers et des groupes de Canadiens. J'ai remercié l'ensemble des Canadiens pour leur soutien lors des inondations causées par la rivière Rouge, aujourd'hui, je dois les remercier aussi pour leur aide au Saguenay.
Peut-être ne le savez-vous pas, mais j'habite dans la vallée de la rivière Rouge. Nous avons dû construire une digue. Nous avions une digue qui protégeait 27 maisons. Nous n'avions pas grand-chose à craindre car notre digue était assez robuste. À ce propos, trois autres sénateurs ont été touchés par les inondations.
Je remercie en particulier les Forces armées canadiennes. Je faisais partie de ceux qui patrouillaient la digue. Nous patrouillions la digue 24 heures sur 24 mais, sans les forces armées, nous n'aurions pas survécu. Vous avez fait un travail remarquable. Aux yeux des Manitobains et aux yeux des Canadiens, c'est l'un de vos plus beaux exploits.
Au nom de tous les Canadiens, j'adresse un grand «merci» aux bénévoles et aussi un grand «merci» aux Forces armées canadiennes.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je sais que vous êtes nombreux à vouloir prendre la parole. Cependant, j'ai promis de les libérer mes invités pour qu'ils puissent être à la Chambre des communes à 14 h 15.
[Français]
Sénateur Lavoie-Roux, cela doit être très court. Nous nous étions entendus pour qu'il n'y ait qu'un sénateur de chaque côté qui se fasse entendre.
L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, combien je me réjouis de la présence des bénévoles qui ont soutenu les gens au Saguenay lors des inondations. Je désire les remercier pour le travail extraordinaire qu'ils ont effectué lors des inondations du Saguenay. Au mois d'août dernier, j'ai eu l'occasion de visiter la région. Je suis allée jusqu'à Ferland et Boileau, jusqu'au lac Ha! Ha! qui a été complètement vidé au moment du désastre que le Saguenay a connu.
Ces événements ont bouleversé les gens de façon personnelle, mais aussi collectivement. J'ai beaucoup de famille qui habite dans ce coin du Québec, et il y en a parmi eux qui ont été déclarés sinistrés, particulièrement dans la ville de La Baie. Il faut souligner le travail conjoint du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, en particulier les militaires de la base de Bagotville.
Cependant, très souvent les gens doivent quitter avant que les travaux ne soient parachevés, alors, je désire remercier les bénévoles du Saguenay et du Lac Saint-Jean qui ont complété le travail. Je vous remercie.
Son Honneur le Président: Tous les sénateurs voudront sans doute dire quelque chose, mais cela est impossible.
[Traduction]
Je vous remercie beaucoup. Nous vous libérons pour que vous puissiez vous rendre à la Chambre des communes.
Les pêches et les océans
Les fonds de recyclage promis aux pêcheurs de la Colombie-Britannqiue-La clarification des chiffres
L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je voudrais clarifier un chiffre que j'ai utilisé au Sénat sur le coût estimé du recyclage des pêcheurs de la côte Ouest. C'est le sénateur Graham, dans sa réponse à ma question, qui avait demandé ce chiffre. Il a fait remarquer que j'avais fait allusion plus tôt à un chiffre de 500 millions de dollars pour le recyclage des pêcheurs de la Colombie-Britannique déplacés par la politique Mifflin du gouvernement, et il voulait savoir d'où je tenais ce chiffre.J'ai en main des données venant du Community Fisheries Development Centre, en Colombie-Britannique, qui est l'organisme chargé de calculer les chiffres pour toute la côte. Sénateur Graham, je vais vous transmettre ce document afin que vous n'ayez pas à prendre des notes. Ces gens me disent que le chiffre de 500 millions de dollars qu'on avait présenté a maintenant été ramené à un peu moins de 400 millions de dollars. Cela est attribuable à une réduction du taux hebdomadaire de rémunération ou d'aide au revenu qui passe de 500 $ à 413 $ par semaine par participant, soit le maximum admissible à l'heure actuelle aux termes des règlements de l'assurance-emploi.
Je vais transmettre au leader ces chiffres, car il a demandé d'où ils venaient, et je lui réponds. Je voudrais également signaler que le ministre des Pêches a déclaré la semaine dernière à Victoria qu'on avait débloqué 20 millions de dollars pour les pêcheurs de la côte. C'est un chiffre légèrement différent des 30 millions de dollars dont le sénateur Graham a parlé hier.
Je vais rédiger une question écrite demandant exactement d'où venait cet argent et où il est allé, car nous avons maintenant deux ministres qui proposent deux séries différentes de chiffres, et le Community Fisheries Development Centre nous dit autre chose.
Honorables sénateurs, je suis persuadée que vous comprenez que nous ne voulons pas répéter sur la côte ouest les erreurs faites dans le cas de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, qui n'a pas donné les résultats escomptés sur la côte de l'Atlantique.
La différence essentielle entre les deux côtes, c'est qu'il y a des emplois sur la côte Ouest. Il y a tout le travail de remise en valeur des cours d'eau qu'empruntent les saumons. Il y a également le travail de remise en état des zones de coupe à blanc. Il en découle de nombreux emplois sur le plan de la gestion. Ces emplois existent quand les fonds de formation sont disponibles.
En réponse à la demande de renseignements du sénateur Graham, je tiens à signaler que c'est le Community Fisheries Development Centre qui est la source de ces chiffres. Je voudrais collaborer avec le gouvernement pour clarifier exactement les exigences que doivent remplir les pêcheurs de la Colombie-Britannique. On pourra peut-être, de cette façon, les sortir de l'assistance sociale, des programmes ponctuels de création d'emplois et les inscrire plutôt à des programmes de formation et les insérer dans la main-d'oeuvre productive d'une province dynamique.
Les prix de l'Entrepreneur de l'année de la région atlantique
L'honorable Catherine Callbeck: Honorables sénateurs, demain soir, à Halifax, j'aurai le plaisir de me joindre aux400 personnes qui assisteront à la cérémonie de remise des prix de l'Entrepreneur de l'année de la région atlantique. C'est l'une de cinq grandes manifestations que la firme Ernst, Young et associés organise à l'échelle nationale pour promouvoir l'excellence chez nos entrepreneurs. Ce programme en est à sa quatrième année, et de nombreux gens d'affaires canadiens, dont plus d'une centaine d'entrepreneurs de l'Atlantique, ont déjà été ainsi honorés tant dans leur région respective qu'à l'échelle nationale et internationale. Le programme continue de prendre de l'expansion.Cette année, j'ai le privilège de figurer parmi les membres du groupe de juges représentant la région atlantique et j'ai été très impressionnée par la qualité des candidatures. Ce fut une tâche à la fois difficile et stimulante que de choisir les finalistes et les lauréats. Trente-deux finalistes ont été retenus. À eux seuls, ils réalisent un chiffre d'affaires annuel de 400 millions de dollars dans la région atlantique et emploient plus de 3 800 travailleurs. Leur champ d'activité va de l'aquaculture à la musique en passant par le génie des métaux et le ski. Des prix seront remis à sept de ces personnes méritantes.
Nous avons de la chance d'avoir un programme tel que l'Entrepreneur de l'année parrainé par Ernst & Young, qui encourage et appuie les entrepreneurs de notre communauté économique.
[Français]
L'honorable Frank J. McKenna
Hommage à l'occasion de sa démission comme premier ministre du Nouveau-Brunswick
L'honorable Louis J. Robichaud: Honorables sénateurs, la semaine dernière, un grand citoyen du Nouveau-Brunswick remettait sa démission comme juge à la Cour suprême du Canada; je fais référence à l'honorable juge Gerard La Forest. Hier, c'était au tour d'une autre célébrité du nouveau Nouveau-Brunswick d'en faire autant.Le premier ministre Frank McKenna a ainsi voulu remplir le dernier de ses nombreux engagements, soit celui de servir dix ans.
[Traduction]
Frank McKenna est devenu un symbole au Nouveau-Brunswick, où il est connu comme le loup blanc. En 1987, dans des circonstances difficiles, il devient premier ministre de sa province. Il est réélu deux fois et, à mon avis, aurait pu être réélu pour un quatrième mandat s'il avait choisi de se représenter. Il a préféré tenir sa promesse et quitter la vie politique. Il va laisser un grand vide au Nouveau-Brunswick et, en vérité, dans le Canada tout entier.
Je n'ai jamais eu l'occasion de travailler avec lui, mais je sais que c'est un travailleur talentueux et infatigable, qui arrivait à son bureau tôt le matin et qui ne craignait pas de veiller tard le soir. Je ne vais pas me lancer maintenant dans une longue énumération de ses réalisations; toutefois, je dois dire...
Le sénateur St. Germain: Meech Lake!
Le sénateur Robichaud: Je peux toutefois dire sans hésitation, et sans être interrompu j'espère, qu'il a été la force déterminante en faveur de l'unité canadienne. Il a été le principal architecte de la formule de Calgary.
(1420)
Le sénateur St. Germain: Il a tué Meech Lake!
Le sénateur Robichaud: Il a édifié plus de choses qu'il n'en a tuées. S'il a tué quelque chose, c'est sans doute des mouches, et ce n'était pas de gaieté de coeur.
[Français]
Pour le Nouveau-Brunswick, il a été l'instigateur de l'inclusion du bilinguisme dans la Constitution canadienne et a fait de sa province la seule au pays pouvant se dire officiellement bilingue.
Il était grand défenseur des minorités, ce Frank McKenna, peu importe ce que disent certains membres de l'opposition, y compris le sénateur St. Germain.
Hier, Frank McKenna m'a affirmé au téléphone qu'il aimait beaucoup son travail, mais que pour aucune considération, il ne changerait sa décision de remplir sa dernière promesse. Il a ajouté qu'à l'avenir, nous pourrions jouer au golf plus souvent ensemble.
Je formule les meilleurs voeux à son endroit ainsi qu'à son épouse, Julie, et à ses enfants.
[Traduction]
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
Le refus d'accorder une licence pour exploiter la dernière fréquence FM à un poste multiculturel de Toronto
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la décision du CRTC de refuser une licence à Milestone Radio, de Toronto. Cette décision est à l'origine d'une crise très grave au sein des communautés minoritaires du Grand Toronto, qui ne peuvent se faire entendre comme elles le devraient, si le Canada tient vraiment à l'égalité. Plus précisément, je parle de la décision du CRTC d'accorder à la CBC la dernière fréquence FM, soit 99,1.Cette décision nie aux communautés minoritaires du Grand Toronto la chance d'avoir une station qui aurait joué leur musique et encouragé la culture noire et les jeunes musiciens noirs. La décision est regrettable, mais nous savons tous que les dés étaient pipés bien avant la tenue des audiences. Il est clair maintenant que Milestone Radio n'a jamais eu la moindre chance. Ces audiences ont été une comédie qui a permis à la CBC d'utiliser l'argent des contribuables pour éliminer un rival possible. Oui, honorables sénateurs, les dés étaient pipés. Comme Peter Goddard du Toronto Star l'a fait remarquer:
Le moment choisi pour l'annonce était arrogant, se situant presque un an exactement après que Sheila Copps ait ordonné au CRTC en 1996 de réserver le 99,1 pour la société Mother Corp.
S'ajoutant à la dilapidation du budget de la CBC, c'était évidemment la façon dont la ministre du Patrimoine tentait de présenter ses excuses pour le tort qu'elle avait fait.
Mais ce n'est pas tout, honorables sénateurs. Le CRTC a mis de côté ses propres lignes directrices, selon lesquelles le service de base de la CBC soient sur la bande AM. De plus, le CRTC n'a pas tenu compte de la modification par le Parlement en 1991 des objectifs de la politique de radiodiffusion, selon laquelle il est nécessaire de reconnaître l'évolution de la «nature multiculturelle et multiraciale de la société canadienne».
De plus, les arguments que la CBC a fait valoir sont trompeurs et portent la population à croire que la société sert ses intérêts quand, en fait, elle ne fait aucun cas des communautés multiculturelles de Toronto. La CBC prétend qu'elle a besoin de cette fréquence pour atteindre plus de jeunes Canadiens, mais c'est faux. La société admet elle-même qu'elle s'adresse aux plus de 50 ans et a indiqué qu'il n'y aurait pas de changement à la programmation. La CBC prétend qu'elle ne peut capter une part de marché de 6.0 sans cette fréquence. C'est encore faux. Au printemps dernier, elle l'a fait avec les stations qu'elle a déjà. Elle n'avait pas vraiment besoin de s'approprier lafréquence 99,1.
Comment le CRTC a-t-il pu accorder cette fréquence à la CBC? On pourrait croire que c'est parce que trois des cinq membres du CRTC sont d'anciens employés de la CBC.
On apprend maintenant que la CBC offre un compromis. Apparemment, la CBC propose la fréquence 93,5 à Milestone Radio. Sachant que 93,5 est une fréquence de Peterborough, il ne faut pas beaucoup d'imagination pour comprendre que cela n'aide en rien la collectivité noire du Grand Toronto.
Je demande à tous les sénateurs de faire tout ce qu'ils peuvent pour persuader le gouvernement de reconnaître l'importance de cette décision pour la collectivité multiculturelle. C'est maintenant l'affaire du Cabinet de dire à la ministre du Patrimoine que son intervention n'a pas aidé, qu'elle a plutôt été très nuisible.
Honorables sénateurs, je vous demande de travailler la main dans la main pour obtenir que cette décision honteuse du CRTC soit renversée.
L'importance des ponts pour l'unité nationale
Réflexions à l'occasion d'une visite du pont de la Confédération, à l'île-du-Prince-Édouard
L'honorable Raymond J. Perrault: Honorables sénateurs, il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de visiter les provinces maritimes. Tous les Canadiens devraient visiter cette magnifique région historique du Canada. Cette visite nous amène à apprécier davantage la Confédération et l'unité nationale.J'ai traversé le nouveau pont de la Confédération menant à l'Île-du-Prince-Édouard. Ce fut une expérience mémorable. Ce pont est un vibrant témoignage du talent et des compétences des Canadiens en génie et en construction. Après avoir traversé le pont de la Confédération et visité le nouveau pont construit sur la mer au Danemark, qui témoigne des compétences techniques remarquables de cette nation en matière de construction en eau profonde, j'ai l'impression que les divers paliers du gouvernement canadien, peut-être de concert avec le secteur privé, devraient envisager la construction d'un lien entre l'île de Vancouver et la terre ferme de la Colombie-Britannique. Ce projet est réalisable et serait très profitable pour la côte Ouest et pour tout le Canada. En un sens, il aiderait à parachever la Confédération.
En cette époque cruciale de notre histoire, le Canada a aussi besoin de ponts d'une autre sorte, de ponts de tolérance et de compréhension jetés entre les régions du Canada et les gens qui y vivent.
Nous avons besoin d'un plus grand nombre de travailleurs dans l'équipe de construction canadienne et de moins de travailleurs dans l'équipe de démolition séparatiste, plus de gens pour calmer les eaux troubles que pour les brouiller davantage. À cet égard, notre responsabilité à titre de membres de cette remarquable Chambre historique est de favoriser l'unité nationale puisque l'un de nos objectifs est de représenter les régions.
Dernièrement, à écouter certains commentateurs et à lire certains reportages hargneux, on croirait que la Colombie-Britannique abriterait une vaste foule de séparatistes courroucés. C'est une absurdité grossière, irresponsable et sensationnelle. Nous avons inévitablement des divergences avec Ottawa, c'est vrai pour toutes les régions. En fait, nombreux sont les habitants de la Colombie-Britannique qui sont en désaccord avec le gouvernement provincial, mais c'est conforme à la nature du Canada et de la démocratie. La plupart du temps, ces désaccords constituent une tension bénéfique.
Aucune région n'est parfaitement satisfaite de tous les aspects de la Confédération, mais la grande majorité des Britanno-Colombiens sont heureux d'entendre les Nations Unies répéter régulièrement que nous vivons dans le meilleur pays du monde. Faisons en sorte qu'il en soit toujours ainsi. Nous avons besoin de plus de ponts et de plus de constructeurs et de moins de démolisseurs.
Les travaux du Sénat
Limite de temps imposée aux déclarations des sénateurs
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette d'informer le Sénat que, bien qu'un certain nombre de sénateurs désirent faire des déclarations, la période allouée est écoulée. Êtes-vous d'accord pour que les sénateurs dont le nom figure sur ma liste soient les premiers à prendre la parole demain?Des voix: D'accord.
AFFAIRES COURANTES
Le Budget des dépenses de 1997-1998
Avis de motion portant autorisation au Comité des finances nationales d'étudier le Budget des dépenses principal
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:Que le comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1998, à l'exception du crédit 10 du Parlement et du crédit 25 du Conseil privé.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
L'honorable Marcel Prud'homme: Non.
Son Honneur le Président: Très bien. Cette question sera donc examinée à la prochaine séance.
Avis de motion portant renvoi du crédit 25 au Comité mixte permanent des langues officielles
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:Que le comité mixte permanent des langues officielles soit autorisé à étudier les dépenses projetées au crédit 25 du Conseil privé contenu dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1998; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
L'honorable Marcel Prud'homme: Non.
Son Honneur le Président: Très bien. Cette question sera donc
examinée également à la prochaine séance.
(1430)
Avis de motion portant renvoi du crédit 10 au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:Que le comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier les dépenses projetées au crédit 10 du Parlement contenu dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1998; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
L'honorable Marcel Prud'homme: Non.
Son Honneur le Président: Très bien. La question sera étudiée à la prochaine séance du Sénat.
Bibliothèque du Parlement
Examen de la réglementation
Langues officielles
Avis de motion visant à informer la Chambre des communes de la nomination de sénateurs à des comités mixtes permanents
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'informer des noms des honorables sénateurs choisis pour faire partie du comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, du comité mixte permanent de l'examen de la réglementation et du comité mixte permanent sur les langues officielles.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
L'honorable Marcel Prud'homme: Non.
Son Honneur le Président: La question sera étudiée à la prochaine séance du Sénat.
La Loi sur la marine marchande du Canada
Projet de loi modificatif-Première lecture
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada (responsabilité en matière maritime).(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de mardi prochain,le 14 octobre 1997.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
La défense nationale
Le vieillissement de la flotte d'appareils polyvalents de l'aéronavale-L'attribution de contrats dans le cadre du programme de prolongation des Aurora-La position du gouvernement
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, les avions Aurora basés à Comox, en Colombie-Britannique, et à Greenwood, en Nouvelle-Écosse, sont la clé de voûte du système de surveillance des pêches, des missions de recherche et de sauvetage, du système de protection de l'environnement, du système de surveillance du territoire, des missions de maintien de la paix et des opérations militaires polyvalentes. La flotte d'appareils Aurora de l'aéronavale est vieille de 18 ans et a besoin d'une révision immédiate pour demeurer efficace pendant encore de nombreuses années. Le programme de prolongation des Aurora doit être effectué en Nouvelle-Écosse, par son industrie aérospatiale en pleine expansion, qui est concentrée à Kelly Lake, près de l'aéroport international de Halifax.Honorables sénateurs, à seulement 100 kilomètres de Kelly Lake, Greenwood, en Nouvelle-Écosse, est la principale base des avions Aurora et le Canada y a ses systèmes coûteux d'entraînement et de diagnostic pour la réparation et l'entretien de ces avions importés. En ce moment, 12 à 15 p. 100 des revenus de notre industrie aérospatiale proviennent de l'entretien et de la réparation des avions Aurora, qui sont surtout basés à Greenwood.
La Nouvelle-Écosse a une industrie aérospatiale réputée et compétente qui possède l'expertise dans l'aéronavale. La province possède la technologie ultramoderne et peut produire à un moindre coût parce que les frais généraux y sont moindre qu'ailleurs. L'industrie aérospatiale emploie déjà environ2 000 personnes et génère jusqu'à 250 millions de dollars par année. Cependant, le gouvernement a fait peu de choses pour encourager cette industrie vitale.
Le leader du gouvernement au Sénat, ministre responsable de la Nouvelle-Écosse au sein du Cabinet Chrétien, a-t-il demandé au premier ministre d'accorder les contrats liés au programme de prolongation des Aurora à l'équipe de la Nouvelle-Écosse?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la réponse est clairement oui. J'ajouterai que j'en ai parlé au premier ministre et aussi à d'autres collègues du gouvernement. J'appuie sans réserve tout ce que l'honorable sénateur Forrestall a dit. Espérons que ces paroles ajouteront du poids aux arguments que j'ai moi-même déjà présentés.
Le sénateur Forrestall: C'est avec grand plaisir que je remercie le leader du gouvernement pour sa réponse très directe. La nouvelle sera bien accueillie dans mon coin de pays.
Les affaires intergouvernementales
Le statut du partenariat avec
l'Ontario
pour les programmes sociaux
L'honorable Norman K. Atkins: Ma question s'adresse au leader du
gouvernement au Sénat. Beaucoup de provinces s'inquiètent du «partenariat»
que le gouvernement fédéral veut établir avec les gouvernements provinciaux
en ce qui concerne l'emploi des jeunes, les soins à domicile,
l'assurance-médicaments et la pauvreté des enfants. Elles aimeraient savoir ce
que cela signifie exactement. La ministre des Affaires intergouvernementales de
l'Ontario, Dianne Cunningham, disait que ce qu'elle voit comme la notion de
«partenariat» du gouvernement devait être «tuée dans l'oeuf», à moins
qu'il n'y ait des consultations véritables.
Ma question est celle-ci: quelle tentative de partenariat le gouvernement Chrétien a-t-il entreprise avec le gouvernement de l'Ontario?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est une question bien précise et je devrai me renseigner auprès de mes collègues les plus concernés, d'autant plus que cela vise une province en particulier.
J'avais l'impression que le gouvernement essayait de conclure des partenariats avec toutes les provinces. Toutefois, comme l'honorable sénateur n'en mentionne qu'une, je vais me renseigner.
Le sénateur Atkins: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Quels seront les nouveaux éléments du partenariat? Seront-ils définis unilatéralement?
Le sénateur Graham: Je suppose que s'il s'agit d'un partenariat, ce ne sera pas unilatéral, les conditions seront arrêtées en collaboration avec les provinces concernées.
La santé
La mise sur pied d'un nouveau système d'approvisionnement en sang en attendant le rapport de la commission Krever sur la sécurité des produits sanguins - La position du gouvernement
L'honorable Richard J. Doyle: Honorables sénateurs, ma question aujourd'hui s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et a trait au rapport que doit soumettre au gouvernement le juge Horace Krever, chargé d'étudier le système canadien d'approvisionnement en sang.Pendant les quatre années qu'a duré son enquête, dont une bonne partie s'est déroulée sous le regard vigilant de 25 groupes auxquels on avait accordé la qualité d'intervenant, un certain nombre de questions ont été posées au Sénat. Plus récemment, les questions émanant de notre côté cherchaient à obtenir l'assurance que les gouvernements concernés n'entreprendraient pas de réforme du système d'approvisionnement en sang avant qu'on ait fait connaître publiquement les conclusions du rapport Krever, qui représente un investissement de 15 millions de dollars pour veiller à ce que les processus et les procédures qui auront coûté la vie à 3 000 Canadiens soient remplacés par un service de donneurs sûr et transparent.
(1440)
Le 13 février 1997, le leader du gouvernement au Sénat nous a dit:
[...] maintenant qu'ils ont décidé d'unir leurs efforts, tous les ministres de la Santé de ce pays collaborent depuis peu aux préparatifs en vue de la mise en place d'un nouveau système national du sang; en fait, ils ont même donné l'ordre à leurs fonctionnaires de continuer à procéder aux préparatifs nécessaires pour que cette nouvelle régie nationale puisse entrer en fonction.On me dit que l'objectif est de pouvoir réagir très rapidement aux recommandations du juge Krever lorsqu'il remettra son rapport fin avril, ce que le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social attend avec impatience.
Honorables sénateurs, cette déclaration du sénateur Fairbairn a été citée avec grand plaisir chez les intervenants qui n'ont pas toujours été rassurés par leurs contacts avec le gouvernement ou avec la Croix-Rouge.
Le rapport Krever n'a bien sûr pas été déposé en avril. Son dépôt a été retardé par les efforts déployés par la Croix-Rouge et par deux sociétés pharmaceutiques pour empêcher le juge Krever de conclure à des actions fautives. À la fin du mois dernier, la cour a jugé que pareille restriction rendrait le rapport inutile.
Le gouvernement peut-il nous donner l'assurance qu'il ne mettra pas sur pied le nouveau système de collecte de sang en remplacement de la Croix-Rouge jusqu'à ce qu'il ait étudié le rapport Krever, qui devrait être rendu public le 21 novembre 1997?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne pouvais donner de réponse non équivoque, positive, mais ce que dit le sénateur semble parfaitement logique. Je sais que bien des discussions se sont tenues entre le nouveau ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, M. Rock, et ses homologues provinciaux sur ce très important sujet.
Je félicite le sénateur Doyle d'avoir soulevé cette importante question à maintes reprises auprès de mon prédécesseur, le sénateur Fairbairn. Le compte rendu attestera qu'il a effectivement exprimé ses craintes à maintes occasions.
Maintenant que nous avons un nouveau ministre, permettez-moi de le consulter et de lui donner l'avis du sénateur Doyle ainsi que le mien.
Le sénateur Doyle: Ma question complémentaire a trait à l'intérêt continu des groupes d'intervenants, dont un bon nombre ont choisi de ne pas accepter leur plus récente invitation à rencontrer le ministre de la Santé.
Ces victimes du sang contaminé et les survivants de ceux qui sont morts du sida et de l'hépatite figurent-ils toujours au programme du gouvernement?
Le sénateur Graham: Je suppose que oui, mais il faudra que j'en donne la confirmation au sénateur.
[Français]
Les Pêches et Océans
La stratégie de restructuration du poisson de fond de l'Atlantique-Les commentaires du vérificateur général
L'honorable Gérald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Je voudrais le féliciter de sa nomination à son nouveau poste, car je n'avais pas encore eu la chance de le faire. C'est un poste très important pour le gouvernement, étant donné le résultat de la dernière élection, ainsi que pour nos concitoyens du Canada atlantique.Le ministre est sans doute au courant de la déclaration du vérificateur général selon laquelle la stratégie visant à protéger le poisson de fond de l'Atlantique est un échec complet.
La stratégie qui visait la restructuration n'a aucunement atteint ses objectifs. Le gouvernement a même abandonné son engagement de fournir pendant cinq ans le soutien aux pêcheurs qui s'attendaient à recevoir l'appui de ce programme. Est-ce que le ministre peut nous dire quand le ministre des Pêches et Océans acceptera les conclusions contenues dans le rapport du vérificateur général et quand il annoncera une politique nationale pour que le Canada se dote d'un système de pêche viable?
[Traduction]
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Mon honorable collègue est en quelque sorte un spécialiste des pêches étant donné qu'il a présidé le comité des pêches au cours de la dernière législature et qu'il s'est toujours fait le champion des pêcheurs de notre région au Sénat comme à l'autre endroit.
Comme on l'a annoncé, le programme LSPA prendra fin en mai 1998. Le sénateur n'ignore pas qu'un examen a été annoncé par le ministre compétent. Cette personne est maintenant en place et l'examen sera entrepris dans les semaines qui viennent. Nous comptons qu'un rapport sera publié avant la fin de l'année.
[Français]
Le sénateur Comeau: Je suis très content d'entendre que le rapport de la commission qui étudie cette question sera présenté avant la fin mai. Est-ce que l'on peut espérer qu'un nouveau programme soit mis en place dès le 1er mai, afin que l'on puisse l'annoncer à nos concitoyens de la Nouvelle-Écosse et dans le Canada atlantique?
[Traduction]
Le sénateur Graham: Pour le moment, le gouvernement a bien précisé que le programme LSPA prendra fin en mai 1998. L'examen doit avoir lieu avant que l'on puisse parler d'un programme de remplacement.
Les transports
Le refus du CRTC d'accorder une licence pour exploiter la dernière fréquence FM à un poste multiculturel de Toronto-La possibilité que la décision soit reportée-La position du gouvernement
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le CRTC a pris récemment la décision catastrophique d'accorder la dernière fréquence FM du Grand Toronto à la CBC. On a interjeté appel de cette décision au Cabinet.Le gouvernement admettra-t-il que les déclarations de la ministre du Patrimoine canadien voulant que cette fréquence soit réservée à la CBC ont influencé la décision du CRTC? Rapportera-t-il cette décision comme cela s'impose?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Le sénateur comprendra que je ne peux pas parler des discussions qui ont cours au Cabinet. Toutefois, je puis assurer au sénateur que ses instances seront prises en compte et que je les transmettrai personnellement à la ministre compétente, à savoir Mme Copps.
Le sénateur Oliver: Le ministre peut-il nous dire si l'on a attiré l'attention du Cabinet sur le fait que trois des cinq décideurs du CRTC sont d'anciens employés de la CBC?
Le sénateur Graham: Je ne le savais pas, mais cela est certes désormais du domaine public.
Les affaires étrangères
Les allégations d'un ambassadeur concernant la corruption au Mexique-La position du gouvernement
L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne les allégations qu'a faites notre dernier ambassadeur au Mexique, Marc Perron, relativement à la corruption dans ce pays. J'ignore sur quoi il s'est fondé pour faire des allégations aussi odieuses.Il a dit que l'aide du Mexique dans la lutte aux trafiquants de drogue est une vaste plaisanterie. Lorsque la U.S. Drug Enforcement Agency a envoyé quatre policiers pour qu'ils participent à un vaste coup de filet dans les milieux de la drogue, les quatre ont été tués, non pas par des trafiquants, mais par la police mexicaine qui était payée par les trafiquants. J'imagine qu'on peut considérer cela comme de la corruption.
Lorsque les travailleurs d'une entreprise américaine établie au Mexique ont essayé de former, dans le cadre du libre-échange, un syndicat légitime plutôt que l'habituel syndicat d'entreprise ou syndicat contrôlé par le gouvernement, les quatre dirigeants du groupe de travailleurs ont été tués par les autorités mexicaines. J'imagine qu'on peut considérer cela comme de la corruption.
L'an dernier, le commissaire de police de Mexico a organisé une rencontre de policiers pour examiner les allégations de corruption au sein du corps de police. Quatorze policiers sont arrivés à la réunion au volant de voitures volées. On peut considérer cela comme de la corruption.
Mon exemple favori est celui de Raoul, le frère de l'ex-président. Il était fonctionnaire et gagnait environ70 000 pesos par année. Lorsqu'il a été arrêté à l'aéroport de New York parce qu'il avait 70 000 $ US dans ses poches, il a expliqué qu'il venait tout juste d'encaisser son chèque de paye.
(1450)
Cet homme était un bon fonctionnaire plutôt porté sur l'épargne. Ses 70 000 pesos par an lui ont permis d'acheter six villas et 14 fermes. Il était en route pour aller vérifier deux de ses comptes d'épargne, l'un en Europe, dans lequel il avait réussi à accumuler 20 millions de dollars, et l'autre en Suisse, où il avait amassé 90 millions. Je présume qu'on peut parler d'une certaine corruption.
Il est maintenant en prison, détenu comme conspirateur présumé de l'assassinat du successeur choisi de son frère, l'ancien président. Ce dernier est venu se réfugier au Canada. Lorsqu'on a su ce qui arrivait à son frère, je crois qu'il est allé se cacher en Irlande. Il n'ose pas retourner au Mexique par crainte d'être assassiné. Certains penseront peut-être qu'il y a là un genre de corruption.
Je crois comprendre que l'ancien ambassadeur a été rappelé au Canada à sa propre demande, parce qu'il est maintenant incapable de continuer à remplir son rôle. Je voudrais que le ministre responsable ou le gouvernement me donne l'assurance que ce fonctionnaire exceptionnel qu'est l'ancien ambassadeur ne fera pas l'objet de sanctions parce qu'il a dit la vérité sur la sordide corruption qui règne au Mexique.
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les observations du sénateur Lawson intéresseront beaucoup de lecteurs dans bien des régions du monde. Je ne suis pas au courant des comptes dont le sénateur a parlé ni des montants qui s'y trouvent. Il est dommage - je me permets de plaisanter même si le problème est sérieux - que ces dépôts n'aient pas été faits au Cap-Breton.
L'ambassadeur Perron a fait des déclarations déplacées à titre de diplomate et de représentant officiel du Canada, et sa demande de rentrer à Ottawa a été acceptée. C'est lui qui a fait la demande. Les relations entre le Canada et le Mexique n'ont pas souffert de l'incident. Le président Zedillo et le premier ministre ont discuté de la question au téléphone vendredi dernier.
Pour ce qui est des mesures disciplinaires, je m'en remets aux personnes compétentes.
Les affaires étrangères
L'utilisation irrégulière de passeports canadiens par des agents israéliens-La possibilité d'excuses-Le rappel de l'ambassadeur-La position du gouvernement
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis heureux que les deux premiers ministres aient eu des entretiens. Ma question concerne un autre premier ministre.[Français]
Honorables sénateurs, est-ce que le premier ministre du Canada a reçu des excuses officielles du premier ministre d'Israël concernant les passeports frauduleusement employés, situation qui a terni pour longtemps la réputation du Canada?
[Traduction]
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, à ma connaissance, le premier ministre d'Israël n'a pas présenté d'excuses officielles à notre premier ministre.
[Français]
Le sénateur Prud'Homme: Est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance qu'il demandera au premier ministre du Canada que l'actuel ambassadeur du Canada en Israël ne retourne dans ce pays tant et aussi longtemps que cette question des passeports frauduleusement fabriqués ne soit éclaircie?
Honorables sénateurs, plus on écoute les réponses aux questions posées par la presse, plus on suit l'actualité des journaux de la Jordanie et d'Israël, plus la question devient opaque. À l'heure actuelle, il se pose plus de questions qu'il ne se donne de réponses.
Est-ce que le ministre peut nous donner l'assurance qu'il transmettra au premier ministre mon voeu que l'actuel ambassadeur ne retourne pas en Israël, comme l'a confirmé le ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, qui a dit qu'il n'était pas question que l'ambassadeur du Canada retourne en Israël tant et aussi longtemps que le ministre ne serait pas satisfait des réponses aux questions qui ont été posées?
Il est probable que le Parlement ne siégera pas la semaine prochaine, et les campagnes de désinformation ont déjà commencé. Je le répète, on l'a vu hier dans le Citizen, où soudainement...
[Traduction]
...soudainement, la GRC nous informe que deux personnes portant des «noms arabes» feront l'objet de poursuites pour utilisation frauduleuse de passeports. Cette question suscite un vif intérêt depuis mai dernier. Je le répète encore une fois, le procès n'aura peut-être pas lieu avant avril prochain.
Il est très étrange que cette autre affaire survienne soudainement pour détourner notre attention du véritable problème, soit l'utilisation abusive des passeports canadiens.
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je crois comprendre que l'ambassadeur du Canada en Israël ne retournera pas dans ce pays tant que le premier ministre et le ministre Axworthy n'auront pas tiré les choses au clair relativement à ce dernier incident.
La justice
La vente des appareils Airbus à Air Canada-Le règlement de l'action en libelle diffamatoire intentée par l'ancien premier ministre -La position du gouvernement
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai une affaire plutôt curieuse à vous signaler.En parcourant la revue Quorum d'aujourd'hui, j'ai vu plusieurs articles de journaux portant sur des questions d'actualité. Toutefois, une des plus importantes questions d'actualité, qui figurait à la une dans The Globe and Mail d'aujourd'hui, n'était pas dans la revue Quorum. On y trouvait pourtant une version française du même article tirée de La Presse. L'article dans The Globe and Mail était intitulé «La GRC versera 2 millions de dollars à M. Mulroney».
Pourquoi a-t-on laissé cet article de côté? The Globe and Mail est le journal national du Canada. Il est distribué d'un bout à l'autre du pays. Pourquoi n'a-t-on pas reproduit cet article dans la revue Quorum?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est une question intéressante, mais je ne peux pas y répondre. Je ne sais même pas qui prépare la revue Quorum.
L'honorable sénateur soulève un point intéressant. Je me ferai un plaisir d'obtenir la réponse à sa question. Je ne sais pas si je peux influencer ceux qui décident du contenu de Quorum.
Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je remercie le leader du gouvernement de sa réponse.
Je veux aussi lui demander pourquoi, selon lui, le premier ministre et l'ancien ministre de la Justice, M. Rock, vont verser cette somme de 2 millions de dollars à l'ancien premier ministre.
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, sauf erreur, cette mesure était prévue dans l'entente conclue. Le montant du règlement définitif a été fixé par l'ancien juge en chef du Québec Gold, après avoir reçu les conclusions de toutes les parties concernées. Comme l'honorable sénateur le sait puisqu'il a lu The Globe and Mail très attentivement ce matin, la somme de plus de 2 millions de dollars servira à payer les honoraires d'avocat, les coûts de traduction et les frais engagés au niveau des relations publiques, ces dépenses ayant toutes été jugées raisonnables par l'honorable juge Gold.
Conformément aux dispositions de l'entente conclue, la décision du juge Gold est définitive et exécutoire, et le gouvernement s'y conformera. La GRC versera le montant sur son budget approuvé, sans que cela n'ait une incidence négative sur ses fonctions policières de base. Je ne sais trop quoi ajouter. Ce règlement était prévu dans l'entente conclue.
Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, la vérité, c'est que l'ancien ministre de la Justice a déclaré aux médias que l'ancien premier ministre n'avait pas été trouvé coupable, mais qu'il n'était pas pour autant innocent. Dans ce cas, pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas exigé la démission de son ancien ministre de la Justice?
(1500)
Cette somme ne va pas à M. Mulroney. Elle doit servir à payer les honoraires de ses avocats et d'autres frais connexes. Pas un cent n'ira à l'ancien premier ministre, pas un! Il lui manque encore 40 000 $, honorables sénateurs.
J'estime que si l'ancien ministre de la Justice, M. Allan Rock, est capable de faire une déclaration comme celle-là aux médias à propos d'un jugement de plus de 2 millions de dollars, il devrait démissionner.
La vente d'appareils Airbus à Air Canada-Le règlement de l'action en libelle diffamatoire de l'ancien premier ministre-L'enquête et la désignation de l'organisme en faute-La position du gouvernement
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, avant de faire le point sur cette question, je voudrais dire ceci: je sais que le sénateur Graham occupe ses nouvelles fonctions depuis peu, mais quand le sénateur Oliver lui a posé sa question au sujet de l'annulation de la décision du CRTC, il aurait peut-être mieux valu que le sénateur Graham recommande au sénateur Oliver de téléphoner à M. Chrétien, à Power Corporation. Il semblerait en effet que cette entreprise sache s'y prendre pour faire renverser les décisions du CRTC; elle pourrait peut-être aider la station de radio en question.Pour en revenir au règlement annoncé aujourd'hui par le gouvernement du Canada, il est intéressant de noter que, dans le communiqué de presse, on parle de la GRC au lieu du gouvernement. Ce dernier admet au moins avoir fait uneerreur - une erreur qui va lui coûter plus de 2 millions de dollars.
Il y avait beaucoup de participants à cette affaire. Il y avait la GRC, les procureurs du ministère de la Justice et le sous-ministre ainsi que ses collaborateurs au ministère de la Justice. Il y avait aussi le ministre lui-même, le Bureau du Conseil privé, le cabinet du premier ministre et, enfin, le Cabinet.
Je veux savoir, et je suis sûr que les Canadiens veulent aussi le savoir, puisque le chèque a été émis: qui, parmi ces gens, est responsable de l'erreur?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est la GRC qui émet le chèque. Tirez vos propres conclusions.
Le sénateur Tkachuk: Si c'est la GRC qui émet le chèque, c'est donc la GRC qui est responsable. Si la GRC est responsable et qu'elle a effectivement présenté des excuses, qui est le responsable au sein de la GRC? Le commissaire a-t-il démissionné? Quelqu'un a-t-il été congédié? On ne peut pas admettre une erreur de 2 millions de dollars sans chercher à punir le coupable. Cependant, je vous prends au mot et je tire mes propres conclusions. Compte tenu de ce que vous avez dit, je pense que tous les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre seront d'accord pour conclure que c'est la GRC qui est coupable - même si vous n'avez pas vraiment dit ça. C'est dur pour un libéral de dire ce genre de choses.
Quoi qu'il en soit, je veux savoir qui est responsable à la GRC et que fera le gouvernement pour s'assurer que le coupable paie pour ses erreurs.
Le sénateur Graham: Je crois comprendre qu'une enquête interne est en cours à la GRC. J'imagine que les conclusions de l'enquête seront dévoilées en temps opportun.
Les travaux du sénat
La prolongation de la période des questions
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.L'honorable Gerry St. Germain: Votre Honneur, je demande une prolongation.
Son Honneur le Président: Sénateur St. Germain, je regrette. Un problème se pose au sujet de la période des questions. Si vous vérifiez la transcription, vous constaterez qu'il y a eu plusieurs discours. S'il y avait eu des questions au lieu des discours, nous aurions le temps pour plus de questions, mais nous avons déjà dépassé de cinq minutes le temps prévu.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Un sénateur a le droit de demander à revenir à un sujet déjà abordé, de prolonger l'examen d'un sujet à l'étude ou de sauter un sujet et demander l'ajournement immédiat. Le sénateur St. Germain demande une prolongation de la période des questions et le Président n'a pas l'autorité de l'en empêcher.
Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour prolonger la période des questions?
Des voix: Oui.
La justice
La vente d'appareils Airbus à
Air Canada- Le règlement de l'action en libelle diffamatoire de l'ancien
premier ministre-Le blâme de l'agent de la GRC
impliqué-La position du gouvernement
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question porte
sur le même sujet que celui soulevé par les sénateurs Stratton et Tkachuk.
Alors que je me rendais au Sénat aujourd'hui, un membre de l'association des agents de la GRC est venu me parler à l'extérieur de l'édifice. Les agents ont été obligés de créer un fonds de défense pour un de leurs collègues subalternes qui fait l'objet d'une enquête au sujet de l'affaire des avions Airbus.
Comment le gouvernement, le bureau du premier ministre, le Bureau du Conseil privé, le Cabinet, le premier ministre et le ministre Rock s'y sont-ils pris pour que ce soit la GRC qui assume la responsabilité et le blâme alors que ce serait une prétendue rencontre entre le ministre Rock et Stevie Cameron ou Susan Delacourt ou un représentant des médias qui aurait déclenché toute l'affaire? Faut-il comprendre que n'importe quel dirigeant politique peut faire ce qu'il veut et s'arranger pour que la responsabilité de ses actes retombe sur les subalternes, qui seront alors tenus responsables et obligés de constituer un fonds de défense pour eux-mêmes, alors que le gouvernement ne défend même pas les institutions qu'il est censé administrer? Est-ce ainsi que les choses se passent?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur St. Germain en sait visiblement plus que moi à ce sujet et il est libre de tirer les conclusions qu'il veut.
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'un ministre de la Couronne qui siège au Cabinet devrait venir dire aux Canadiens de tirer leurs propres conclusions parce qu'il n'a pas l'information demandée. En agissant de la sorte, le Cabinet et ce ministre en particulier font preuve d'irresponsabilité.
Les marchés publics au Québec-Les allégations concernant les pots-de-vin versés aux collecteurs de fonds du Parti libéral-La position du gouvernement
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je voudrais poser une autre question au leader du gouvernement au Sénat. La GRC fait-elle enquête, à l'heure actuelle, sur la pratique qui aurait cours au Québec alors qu'on se bousculerait pour profiter des pots-de-vin des collecteurs de fonds du Parti libéral?L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la réponse à la dernière question est oui. Je crois comprendre qu'une enquête est en cours à l'heure actuelle.
Les travaux du Sénat
Les limites de temps pour les déclarations de sénateurs et la période des questions-Recours au Règlement
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ce que j'aime du régime parlementaire britannique, c'est la force des précédents. Plus tôt aujourd'hui - et j'essaie d'être utile pour l'avenir et de vous être utile, je l'espère, Votre Honneur - le Président a déclaré à la fin des déclarations de sénateurs que, avec la permission du Sénat, il donnerait la parole en premier aux sénateurs qui n'ont pu l'obtenir aujourd'hui.Selon moi, il s'agit d'un dangereux précédent. S'il y avait25 sénateurs qui souhaitaient intervenir aujourd'hui durant le temps réservé aux déclarations de sénateurs, j'imagine alors l'embarras dans lequel le Président pourrait se trouver au cours de la prochaine séance. Tout d'abord, il faudrait voir sur la liste si les sénateurs en question sont présents pour pouvoir leur donner la priorité. Ensuite, comment donnerait-on la parole à un sénateur dont la déclaration peut être très importante et très pertinente cette journée-là, mais qui risque de l'être moins la semaine suivante?
Je propose respectueusement que demain, le Président puisse donner la parole à ceux qui n'ont pu l'obtenir aujourd'hui, comme vous l'avez dit - et je me soumettrai à cela - mais qu'il prenne la question en délibéré quant au précédent qu'on pourrait créer en faisant cela à l'avenir.
J'ai été heureux aujourd'hui qu'un sénateur indépendant se soit joint à moi. Cela signifie que les indépendants vont participer toujours davantage aux travaux du Sénat jusqu'à ce qu'un troisième fasse de même. Cependant, on nous rappelle que non seulement il y a certaines limites de temps réservées aux questions, mais que c'est également vrai pour la période réservée aux déclarations de sénateurs. Vous savez mon habitude: je parle jusqu'à ce qu'on me dise de me rasseoir ou jusqu'à ce que je voie que le Président est impatient et va se lever. Je m'assois alors. C'est le devoir du Président, et je reconnais son pouvoir de nous dire si notre temps de parole est écoulé.
Cependant, en ce qui concerne cette question de précédent, j'espère, Votre Honneur, vous être utile à l'avenir en affirmant que cela ne devrait pas devenir une habitude.
Son Honneur le Président: Je remercie le sénateur Prud'homme d'invoquer ainsi le Règlement. Il avance un argument très valable. Cependant, dans le cas présent, j'ai demandé au Sénat s'il permettait qu'on agisse ainsi.
(1510)
Comme permission a été accordée il y a un instant de prolonger la période des questions, j'ai simplement demandé aux sénateurs si cela leur agréait, mais je crois que l'argument que vous avancez est valable.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je veux seulement soulever un point ou deux au sujet du recours au Règlement du sénateur Prud'homme et attirer l'attention de tous les sénateurs sur le paragraphe 22(6) du Règlement, qui prévoit que
les sénateurs qui interviennent au cours de cette période...
- il s'agit de la période réservée aux déclarations desénateurs -
Ce même paragraphe prévoit toutefois des exceptions, car on peut y lire encore ceci:[...] ne peuvent parler qu'une fois, et pendant au plus trois minutes;
Un sénateur peut toutefois demander la permission de prolonger son intervention.
C'est, honorables sénateurs, une partie très importante de ce paragraphe. Au-delà de trois minutes, un sénateur a le droit de demander la permission de prolonger son intervention. Il doit en faire la demande au Sénat dans son entier, qui le lui accordera ou ne le lui accordera pas.
Si la demande du sénateur est agréée, il importe que nous comprenions bien la permission qui est alors accordée. C'est ce que prévoit le paragraphe 22(7). Or, cette permission permet littéralement de poursuivre une intervention jusqu'à la fin de la période prévue pour les déclarations de sénateurs. Comme nous le savons tous, cette période dure 15 minutes. Un sénateur à qui on aurait accordé la permission de poursuivre au-delà de trois minutes pourrait employer tout ce temps, ce qui serait évidemment injuste pour le reste de l'assemblée.
Nous comprenons les efforts que déploie la présidence pour régler cette situation mais, comme l'intérêt de l'un ou l'autre caucus entre parfois en ligne de compte, le Règlement prévoit que l'un ou l'autre whip fasse une intervention. Je renvoie les sénateurs au paragraphe 22(8) du Règlement, car il prévoit que:
N'importe quand au cours de la période des «Déclarations de sénateurs», l'un ou l'autre whip peut demander au Président de prolonger la durée de la période prévue...
Autrement dit, il entre dans le mandat des deux whips de demander, pour une raison ou pour une autre, que soit prolongée cette période de 15 minutes et, encore une fois, la demande doit être soumise à toute l'assemblée.
Il importe de ne pas oublier que toute l'assemblée est responsable de la conduite que nous adoptons et que le rôle de la présidence est de nous aider à cet égard. Le Règlement est très clair, mais il peut arriver que nous y portions moins attention.
Son Honneur le Président: Je regrette, sénateur Kinsella, mais lorsqu'on invoque le Règlement, je dois entendre tous les sénateurs qui veulent faire valoir leur point de vue. Je n'ai pas vu que vous étiez debout. C'est pourquoi j'ai présenté mes observations. Je vous remercie pour vos observations.
[Français]
ORDRE DU JOUR
Le discours du Trône
Motion d'adoption de l'adresse en réponse-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forest, appuyée par l'honorable sénateur Mercier, tendant à l'adoption d'une Adresse à son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'Elle a prononcé lors de l'ouverture de la première session de la trente-sixième législature.-(3e jour de la reprise du débat).
L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, lorsque les historiens, dans bien des années d'ici, se souviendront de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, peut-être chercheront-ils les valeurs qui auront marqué la transition d'un millénaire à l'autre.
Les futurs historiens du Canada se pencheront certainement sur les enjeux qui étaient les nôtres et évalueront comment nous aurons mené des questions clés, par exemple celle de l'unité et comment nous aurons choisi notre parcours parmi les difficiles options économiques, sociales, culturelles qui s'offraient à nous.
À ce moment-là, ces décisions appartiendront déjà à l'histoire et nos générations auront vécu avec les conséquences de cette 36e législature.
Le chef du gouvernement au Sénat, l'honorable Alasdair Graham, nous a rappelé hier, et je cite:
Nos ancêtres cherchaient la paix, la prospérité et, avant tout, la liberté.
C'est pourquoi, si nous voulons que le Canada prospère encore au XXIe siècle, les décisions qui nous attendent au cours des quatre prochaines années sont cruciales pour la vigueur et la prospérité de ce beau et grand pays.
C'est mon souhait et le vôtre aussi, j'en suis certaine, que la présente législature passe à l'histoire comme ayant privilégié ce qui nous rapproche, quelles que soient nos différences.
Le discours du Trône laisse entrevoir cette possibilité très clairement, en raison de son approche équitable et équilibrée à la gouvernance. Comparativement à bien d'autres pays, on peut dire à juste titre que l'équité et l'équilibre sont les assises sur lesquelles le Canada a bâti son histoire depuis 130 ans.
Les sacrifices consentis par les Canadiens et les Canadiennes ces dernières années, pendant que le gouvernement libéral mettait de l'ordre dans les finances du pays, ont préparé le terrain à un Canada plus fort, un Canada prêt à embrasser l'avenir avec un regain d'optimisme et un regard tout neuf.
Le discours du Trône précise d'emblée qu'il faut s'assurer de ne laisser personne derrière dans nos plans pour l'avenir. Il faut qu'il en soit ainsi. C'est un objectif juste et raisonnable, on ne laissera personne sur une voie d'évitement, on ne mettra pas les gens de côté au nom du progrès; c'est ainsi que le Canada sera encore plus fort et plus uni.
Le gouvernement a mis au point une stratégie équilibrée qui va, d'une part, ouvrir des débouché à nos jeunes et, d'autre part, assurer sécurité et confort à nos aînés. De plus, le gouvernement cherche un équilibre harmonieux entre les besoins des jeunes et des aînés et les politiques de création d'emplois et de croissance économique.
Permettez-moi d'énoncer quelques-unes des mesures que prend le gouvernement pour assurer cette équité, cet équilibre.
[Traduction]
Songeons aux jeunes Canadiens. Au Canada, en cette36e législature, divers programmes sont en cours de planification ou de mise en oeuvre qui témoignent de l'engagement de ce pays envers ses enfants: le crédit d'impôt pour enfants sensiblement majoré; le programme national de prestation pour enfants financé par les gouvernements provinciaux et fédéral; le programme national de l'enfance; le programme Bon départ à l'intention des enfants autochtones; les améliorations sous forme d'incitatifs financiers dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants pour élargir l'accès à l'enseignement postsecondaire.
Les secteurs non gouvernementaux ont secondé les efforts du gouvernement grâce à diverses initiatives telles que la mise sur pied de programmes de stage, le financement accru pour les emplois d'été des étudiants, un programme de mentorat, l'enrichissement des programmes communautaires destinés aux jeunes qui possèdent peu d'instruction et de compétences, la mise en oeuvre d'Avantage Carrière et la création du Conseil d'entreprises sur la place des jeunes dans l'économie.
Je rappelle aux honorables sénateurs que le premier ministre vient de proposer un Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire de quelque 100 millions de dollars en faveur de l'enseignement postsecondaire.
(1520)
Nous connaissons tous le proverbe chinois qui dit: «Si vous planifiez pour un an, plantez une graine. Si vous planifiez pour 10 ans, plantez un arbre. Si vous planifiez pour 100 ans, éduquez la population.»
Passons maintenant aux personnes âgées. Bien que la qualité des soins et du système de santé préoccupe tous les Canadiens, les personnes âgées, c'est compréhensible, pourraient être plus particulièrement troublées par la modification des programmes sociaux et de santé. Le discours du Trône rassure les Canadiens sur l'engagement du gouvernement à l'égard d'un système de soins de santé de qualité, public, intégral et accessible à tous, où que ce soit au Canada. En garantissant aux provinces et aux territoires des versements annuels en espèce de 12,5 milliards de dollars au titre des programmes sociaux et de santé, le gouvernement dissipe toute crainte que ces programmes soient réduits. Le gouvernement envisage d'autres initiatives telles que l'élaboration d'un régime national facilitant l'accès aux médicaments nécessaires à des fins médicales, une aide aux provinces pour qu'elles innovent en matière de soins primaires, de soins à domicile, et de soins communautaires, une nouvelle prestation aux aînés pour que le régime public de pensions demeure viable, et, bien entendu, l'amélioration de la sécurité dans les localités.
Ne perdons pas de vue l'essentiel: il serait impossible de financer tous ces programmes sans une approche tout aussi équilibrée en matière de gestion financière. Un certain nombre de facteurs favorisant la croissance économique, la création d'emplois et la prospérité sont maintenant réunis. Premièrement, le gouvernement a réduit ses dépenses; deuxièmement, il s'est engagé à équilibrer le budget au plus tard en 1998-1999; troisièmement, il essaye d'enrayer l'inflation; quatrièmement, les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas depuis 30 ans; et cinquièmement, on enregistre des ventes records de produits et de services à l'étranger. Ces facteurs sont de bonne augure pour le Canada à un moment où le gouvernement mobilise les talents, les ressources, la technologie et les institutions de notre pays pour que nous puissions être concurrentiels dans l'économie du XXIe siècle, qui sera basée sur le savoir.
En partenariat avec les gouvernements provinciaux et le secteur privé, avec les universités et autres établissements de recherche, le Canada peut et doit continuer à s'imposer sur la scène mondiale dans des domaines tels que l'aérospatiale, les produits biopharmaceutiques, la biotechnologie, l'agriculture, les pêches et les technologies de l'environnement, de l'information et des télécommunications.
[Français]
Honorables sénateurs, comme le dit Son Excellence le Gouverneur général du Canada dans son discours du Trône, et je cite:
Le gouvernement est résolu à suivre cette approche équilibrée d'investissement social et de gestion financière prudente, au moment où il conduit le pays vers une santé économique renouvelée, et durable et une meilleure cohésion sociale.
Nous continuons à jouir d'un potentiel énorme en tant que nation et notre pluralité est le fil conducteur de nos rêves et de nos aspirations vers un avenir productif pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes.
Avec vous, honorables sénateurs, j'ai confiance en notre réussite.
[Traduction]
L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour ce qui sera vraisemblablement ma dernière Adresse en réponse au discours du Trône.
Le sénateur Carney: Dites-nous que ce n'est pas vrai!
Le sénateur Bonnell: Dans moins de trois mois, j'aurai terminé mes 26 années de carrière au Parlement du Canada, ce qui, avec mes 21 ans de carrière à la législature de ma province natale, fait en tout 47 ans passés à représenter les Canadiens, ma province et mon pays.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Bonnell: Ayant assisté à 18 discours du Trône au niveau fédéral et à 21 discours du Trône au niveau provincial, j'ai participé au total à 39 débats sur les adresses en réponse aux discours du Trône. J'ai pris part à huit élections fédérales et à six élections provinciales. J'ai servi sous neuf premiers ministres fédéraux, six premiers ministres provinciaux, neuf gouverneurs généraux, neuf lieutenants-gouverneurs et deux monarques, le roi George VI et la reine Elizabeth II.
Ce sont des temps mémorables que j'ai appréciés, mais j'estime qu'il me reste une grande contribution à faire à cette Chambre, à ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, et au Canada avant la date prochaine de ma retraite obligatoire.
Je suis heureux de dire que ce discours du Trône est le plus optismiste et orienté vers l'avenir de tous ceux qui ont été prononcés depuis une décennie. Aucun sénateur ne saurait être plus heureux que moi de voir qu'on insiste fortement sur la jeunesse, les connaissances, l'éducation et l'innovation.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Bonnell: Il est bien évident que le gouvernement a entendu les mêmes messages que notre propre sous-comité de la dernière législature qui a étudié l'enseignement postsecondaire.
Je suis persuadé que les membres de l'ancien sous-comité seront d'accord avec moi pour dire que les thèmes qui sont revenus le plus souvent dans nos audiences sont l'importance d'une solide éducation postsecondaire, un meilleur accès aux études en améliorant l'aide aux étudiants et en allégeant leur endettement, et la nécessité de donner une plus grande priorité à la recherche et au développement. Tout cela se retrouve dans le discours du Trône.
Honorables sénateurs, le discours du Trône fait ressortir l'engagement soutenu de notre gouvernement à soutenir l'enseignement supérieur ainsi que la recherche et le développement. Les mesures annoncées dans le budget de 1997 augmenteront le soutien à l'enseignement postsecondaire de 137 millions de dollars en 1998-1999; l'augmentation sera de 275 millions par an lorsque les modifications seront intégralement mises en oeuvre. Le budget a accordé une aide aux étudiants et à leur famille pour qu'ils puissent mieux faire face à l'augmentation du coût de l'éducation postsecondaire, aux étudiants qui sont aux prises avec une dette plus lourde une fois leur diplôme obtenu et aux parents qui économisent pour les études de leurs enfants.
Ces initiatives s'ajoutent à l'augmentation de 80 millions de dollars de l'aide fiscale directe du gouvernement fédéral pour l'éducation postsecondaire, prévue dans le budget de 1996.
Plus précisément, les seuils pour avoir accès au crédit d'impôt pour études ont été portés immédiatement de 100 $ à 150 $ par mois, puis, à compter de 1998, à 200 $ par mois. Le crédit d'impôt pour frais de scolarité peut maintenant s'appliquer aux frais obligatoires fixés par les établissements d'enseignement supérieur pour couvrir les frais d'éducation.
Le budget de 1997 a porté de 18 à 30 mois la période pendant laquelle les étudiants peuvent reporter le remboursement de leurs prêts. Cela s'ajoute aux six mois suivant l'obtention du diplôme pendant lesquels il n'y a aucun paiement à faire, de sorte qu'ils peuvent avoir maintenant jusqu'à trois ans d'aide pour faire face à leurs obligations. En outre, le maximum des contributions aux REEE, ou régimes enregistrés d'épargne-études, a été doublé et porté à 4 000 $, ce qui est un encouragement important à l'épargne pour les études.
Notre gouvernement a aussi mis sur pied la Fondation canadienne pour l'innovation. Financée par une mise de fonds initiale de 800 millions de dollars du gouvernement fédéral, elle accordera en moyenne 180 millions de dollars par an sur cinq ans pour aider les nouvelles infrastructures de recherche dans les établissements canadiens d'enseignement postsecondaire et les hôpitaux de recherche qui y sont associés.
En outre, honorables sénateurs, jamais jusqu'ici l'enseignement postsecondaire n'avait-il occupé autant de place dans une campagne électorale fédérale. Tous les grands partis qui ont présenté des candidats dans plus d'une province ont fait une place à l'enseignement supérieur dans leur plate-forme électorale.
(1530)
Des prêts étudiants à la R-D et aux transferts fédéraux, chaque parti s'est engagé à faire en sorte que les Canadiens soient mieux en mesure de répondre aux défis de l'avenir. Les promesses libérales comprenaient un relèvement du plancher des transferts pour la santé et les services sociaux pour le porter à12,5 milliards en 1998-1999; un financement permanent pour le réseau des centres d'excellence de 47 millions par année; une aide accrue aux étudiants avec personnes à charge sous forme de bourses pouvant atteindre 3 000 $ par an.
Les initiatives du budget de 1997 et notre plate-forme électorale ont été chaleureusement acceptées au sein de la communauté universitaire et considérées comme un engagement renouvelé de notre gouvernement en faveur d'un rôle fédéral fort dans l'enseignement postsecondaire.
D'ailleurs, pendant les mois de témoignages et d'études au sous-comité sur l'enseignement postsecondaire, presque tous les témoins ont indiqué qu'il était nécessaire de maintenir une présence fédérale forte dans l'enseignement supérieur, que ce soit sous forme de paiements de transfert, de financement de la recherche et du développement, de l'aide financière aux étudiants ou d'une intervention dans les questions internationales pressantes. La conclusion du sous-comité était que le gouvernement fédéral avait un rôle de collaboration et de coordination à jouer si, en tant que nation, nous voulions répondre aux défis du XXIe siècle.
Le discours du Trône et l'Adresse en réponse du premier ministre précisaient les engagements de notre gouvernement. Le premier ministre a dit:
Plus précisément, et plus important encore, il est dit dans le discours du Trône que, durant le présent mandat, il sera prioritaire de réduire les obstacles qui limitent l'accès à l'éducation et d'alléger le fardeau d'endettement des étudiants. Ces objectifs prioritaires seront réalisés grâce à d'autres modifications au Programme canadien de prêts aux étudiants, à l'augmentation de l'aide aux étudiants ayant des personnes à charge et à l'attribution de nouvelles bourses pour encourager l'excellence et pour aider les Canadiens à faibles ou moyens revenus à fréquenter l'université ou le collège.Nous pensons [...] que le gouvernement du XXIe siècle doit être un partenaire efficace dont le rôle consiste à effectuer des investissements judicieux et stratégiques dans des domaines d'une réelle importance pour la prospérité future de notre pays. Le savoir et l'apprentissage comptent parmi les plus importants de ces domaines... Il ne pourrait y avoir [...] meilleur rôle pour le gouvernement que celui d'aider les jeunes Canadiens à se préparer à entrer dans la société axée sur l'information du siècle prochain.
Le premier ministre a donné certains détails de ces nouvelles bourses en disant que le Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire est un autre exemple d'investissement ponctuel dans l'apprentissage et le savoir, semblable à la Fondation canadienne pour l'innovation. Le fonds de dotation permettra d'octroyer des milliers de bourses chaque année à compter de l'an 2000. Il sera totalement indépendant du gouvernement, récompensera l'excellence et s'adressera aux Canadiens à faibles et moyens revenus pour leur faciliter l'accès aux universités et aux collèges.
Le premier ministre a dit que le gouvernement participera, en étroite collaboration avec les partenaires appropriés, à la conception du fonds. Je suis convaincu que les partenaires du milieu universitaire canadien auront beaucoup à dire à ce sujet. Je peux vous assurer, honorables sénateurs, qu'ils savent habituellement se faire entendre.
Je pourrais peut-être, moi aussi, offrir mes conseils au gouvernement et au premier ministre sur ce projet des plus importants en prévision du millénaire. Tant que le ministre des Finances ne l'aura pas annoncé officiellement, le mois prochain, nous ne saurons pas exactement quel sera le montant de la contribution au Fonds de bourses d'études. Selon les estimations, l'investissement se situera entre un milliard et 2,5 milliards de dollars. L'intérêt généré aiderait ensuite de 10 000 à50 000 étudiants canadiens chaque année. Plus nombreux seront les étudiants que le Fonds de bourses d'études pourra aider, le mieux ce sera. L'aide que le gouvernement fédéral a accordée en 1995-1996 dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants a totalisé 1,3 milliard de dollars, et ce chiffre ne comprend pas les prêts consentis par les provinces. Il m'apparaît évident, comme il a été évident pour le sous-comité, que le gouvernement fédéral doit trouver le meilleur moyen d'aider les étudiants qui sont le plus dans le besoin.
Le premier ministre a également dit que le Fonds de bourses d'études récompensera l'excellence. Certains peuvent voir dans cette déclaration que les bourses du millénaire seront accordées en fonction du mérite. Je cite le rapport du sous-comité:
Honorables sénateurs, pour aider à assurer l'excellence constante de nos universités et de nos collèges, il n'y a rien de mieux que de faire en sorte que les étudiants les meilleurs et les plus brillants soient reconnus pour leurs réussites scolaires. Pour promouvoir et encourager l'excellence qu'on attend des étudiants, il n'y a rien de mieux qu'une nouvelle bourse nationale pour le XXIe siècle.[...] aider à assurer l'excellence constante des établissements d'enseignement postsecondaire doit devenir une priorité.
Cependant, le débat d'orientation auquel le milieu de l'enseignement supérieur risque de devoir faire face, c'est celui qui consiste à trouver un équilibre entre les besoins financiers et la récompense de l'excellence. À mon avis, il est souvent très difficile d'atteindre ces deux objectifs avec le même moyen d'action, car les étudiants dans le besoin - ou tout Canadien dans le besoin - sont soumis à un stress supplémentaire. Comme on l'a dit au sous-comité, ils doivent habituellement occuper un ou deux emplois à temps partiel, ou même un emploi à plein temps, tout en assistant à leurs cours, uniquement pour joindre les deux bouts. Ils ne se nourrissent pas forcément bien et, s'ils habitent chez leurs parents, ils doivent peut-être s'occuper d'un jeune frère ou d'une jeune soeur. Le stress que subit un étudiant qui est dans le besoin financier, qui se demande avec inquiétude comment il paiera ses prochains frais de scolarité, influe sur son travail en classe.
Honorables sénateurs, ce ne sont pas des prétextes, mais plutôt des difficultés additionnelles qui s'opposent chaque année à des étudiants qui font des travaux et subissent des examens.
Que se passe-t-il quand on ajoute ces difficultés au stress que suppose la nécessité d'obtenir une moyenne générale B+? Qu'arrive-t-il à l'étudiant pauvre qui n'obtient qu'un B? Il ou elle ne pourra pas aller à l'université l'automne prochain si sa bourse d'études de 2 000 $ du millénaire lui est retirée. Un B de moyenne à l'université ou au collège, c'est très bon, mais c'est inférieur au B+ qui est exigé pour être admissible à la bourse du millénaire. Combien y aura-t-il d'étudiants pauvres ayant un B de moyenne en l'an 2000? À mon avis, ils seront trop nombreux.
Voilà le problème qu'entraîne le lien entre les besoins et le mérite. Trop d'étudiants pauvres, même s'ils se situent à un niveau d'excellence et font de leur mieux, ne seront pas admissibles.
Je propose donc, honorables sénateurs, deux autres possibilités à la place du nouveau Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire. La première consisterait à mettre l'accent uniquement sur les besoins pour ce qui est des exigences d'admissibilité. L'argent serait distribué aux étudiants les plus démunis, de manière à alléger leur fardeau d'endettement et à leur donner
accès à des études postsecondaires. La bourse servirait à réduire le nombre d'étudiants très pauvres qui décrochent, à promouvoir l'excellence et à abaisser le taux de stress, ainsi qu'à garantir que tous les étudiants capables d'étudier utilisent leurs nouvelles habiletés et leurs capacités dans notre économie en croissance.
L'an dernier, dans le cadre de l'initiative de réforme de l'aide financière aux études, une coalition de sept partenaires de la communauté de l'enseignement supérieur ont recommandé la création d'un tel fonds à l'intention d'étudiants pauvres de première année. Ils ont déclaré ce qui suit:
Aux États-Unis, on a montré que le fait d'alléger le fardeau d'endettement des étudiants de première année qui viennent de milieux à faible revenu augmentait considérablement les chances qu'ils poursuivent leurs études.
La deuxième possibilité serait d'établir deux fonds, dont l'un tiendrait compte du mérite et l'autre, des besoins. Les bourses fondées sur le mérite s'adresseraient toujours aux Canadiens à faibles et moyens revenus, et les aideraient à fréquenter l'université ou le collège. La bourse fondée strictement sur les besoins encouragerait l'excellence autrement, de sorte que tous les Canadiens auraient l'occasion de mettre leurs capacités à l'épreuve dans un établissement postsecondaire.
(1540)
Le partage des fonds disponibles en deux catégories pourrait diminuer l'effet souhaité pour les bourses, mais j'en doute. Cela pourrait, au contraire, renforcer l'engagement du gouvernement à assurer l'accès à l'éducation supérieure en réduisant l'endettement et en encourageant l'excellence. Je suis certain que, dans les mois à venir, le comité chargé d'étudier l'enseignement supérieur formulera des opinions à ce sujet et sur d'autres aspects, à mesure que les paramètres de la fondation seront étoffés.
Honorables sénateurs, je sais qu'avec des principes directeurs et des objectifs adéquats ainsi qu'une structure appropriée, le Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire sera une initiative résolument axée sur l'avenir, qui témoignera, de manière durable et dynamique, de notre engagement par rapport au Canada de demain.
Le partenariat est un des grands thèmes mentionnés souvent dans le discours du Trône, et le Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire est un bel exemple de pareil esprit de coopération. En réalité, ne s'agirait-il pas d'un héritage encore plus chargé de signification si les simples citoyens canadiens, les petites entreprises et les grandes sociétés pouvaient contribuer directement au fonds de dotation, celui-ci témoignant alors de l'engagement du gouvernement, mais aussi de notre pays à favoriser l'excellence et à aider ceux qui excellent, à l'aube du XXIe siècle?
Plus tard aujourd'hui, honorables sénateurs, je parlerai de ma motion concernant la création d'un comité spécial chargé de terminer notre étude sur l'enseignement postsecondaire. J'espère que vous serez alors attentifs, comme vous l'êtes maintenant, et que vous comprendrez l'importance de notre travail pour l'avenir de l'enseignement supérieur au Canada et pour celui de notre pays.
Mon mandat au Sénat tire peut-être à sa fin, mais cela ne m'empêchera pas de veiller à ce que notre pays ait l'avenir qu'il mérite.
L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui me joindre à ceux de mes collègues qui ont déjà participé avec beaucoup d'éloquence à l'Adresse en réponse au discours du Trône et qui ont porté diverses questions qu'on y aborde à notre attention. J'appuie chacun des thèmes abordés dans le discours du Trône, et plus particulièrement la section intitulée «Pour un Canada plus fort», mais je consacrerai mes brèves observations à la section où il est spécialement question des enfants.
Les honorables sénateurs peuvent imaginer à quel point j'ai été ravie, en écoutant le discours du Trône, de découvrir la place prépondérante qu'on avait accordée aux enfants dans le programme d'action national. J'espère maintenant que nous comprendrons pourquoi investir dans nos enfants est si important pour le bien-être de notre pays car, si nous le comprenons, je suis convaincue que nous appuierons non seulement les engagements que l'on a pris dans le discours du Trône à l'égard des enfants, mais que nous serons également disposés à les dépasser de beaucoup de sorte qu'aucun enfant au Canada ne soit laissé pour compte dans le nouveau millénaire.
Habituellement, comme mes honorables collègues le savent, j'aborde les dossiers liés aux enfants sous l'angle de leurs droits tels qu'ils sont définis dans la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant. Aujourd'hui, cependant, j'aimerais adopter un angle économique.
Dans son excellente intervention d'hier, le sénateur Graham a dit que le capital social du Canada était notre ressource la plus puissante et l'a décrite comme étant «la capacité de résoudre les problèmes qui découle de l'expérience partagée». Le capital social est une expression relativement nouvelle pour moi, mais elle me plaît. Au fil des ans, j'en suis arrivée à comprendre que la santé économique d'un pays dépend dans une large mesure de l'équilibre que l'on réussit à établir entre les diverses catégories de capital dont dispose un pays, et que le capital social est tout aussi important que le capital matériel et celui de l'infrastructure.
Le capital social n'est pas la même chose que le capital humain. Nous reconnaissons depuis un certain temps la valeur du capital humain. Nous avons consacré des ressources à sa création et à son développement, ce qui a permis à la plupart des membres de notre société d'être maintenant en meilleure santé et plus instruits que jamais auparavant. En général, nous avons accordé moins d'attention à notre capital social, à nos normes, nos institutions, nos réseaux, nos organisations, nos traditions et nos attitudes qui, ensemble, créent ou détruisent la cohésion sociale. Lorsque les politiques économiques négligent de tenir compte de leur impact sur le capital social, ce qui a souvent été le cas dans le passé, et affaiblissent les liens de confiance unissant les gens et les collectivités, le pays ou la province ne réussit pas à bien se développer.
Pendant les années que j'ai passées dans l'ancienne Union soviétique, j'ai appris que le développement économique dans une collectivité, quels que soient la solidité des fondements matériels ou le niveau d'instruction de la population du pays en cause, ne peut être maintenu si le capital social du pays est épuisé. Sans les relations positives entre les contextes personnels, collectifs et institutionnels, les valeurs communes et les processus démocratiques largement acceptés qui composent le capital social, aucun progrès réel n'est possible.
C'est pourquoi je me réjouis autant des thèmes abordés dans le discours du Trône, dont la plupart contribuent, à mon sens, au capital social. C'est particulièrement vrai de l'investissement promis dans nos enfants. Les familles qui s'extirperont de la pauvreté avec l'aide de la prestation fiscale pour enfants
constitueront un milieu davantage propice à l'épanouissement des enfants. Les stratégies sur lesquelles se sont mis d'accord les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans le Programme national de l'enfance devraient renforcer les collectivités, les rendant plus sécuritaires et plus près des gens. Les centres d'excellence pour enfants accroîtront notre compréhension du développement et du bien-être des enfants, y compris le rôle important de leur environnement social.
L'élargissement du programme communautaire d'aide préscolaire aux autochtones dans les réserves, qui a été couronné de succès, garantira un meilleur départ à tous les enfants autochtones. La mesure et le suivi de la capacité d'apprentissage des enfants impliqueront de plus en plus de partenaires dans l'éducation préscolaire des enfants.
L'infrastructure de l'information et de la connaissance, à laquelle tous les enfants pourront bientôt accéder - et ils aiment cela -, les mettra en relation les uns avec les autres d'un bout à l'autre du pays, et les échanges entre les jeunes Canadiens renforceront notre confiance mutuelle.
Honorables sénateurs, je sais que nombre d'enfants souffrent de problèmes que ni le discours du Trône, ni rien d'autre ne réussira jamais à régler. Cependant, je trouve fort encourageante l'orientation imprimée par le discours du Trône. Le défi consiste maintenant à maintenir le cap pour que notre investissement dans les enfants porte fruit tant pour eux que pour nous.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
(1550)
[Français]
Le Québec
Les conseils scolaires linguistiques-La modification de l'article 93 de la Constitution-La constitution d'un comité mixte spécial-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorableénateur Graham, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Adams,
Que le Sénat se joigne à la Chambre des communes pour constituer un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes chargé de se pencher sur les différents aspects du projet de résolution concernant la modification que l'on propose d'apporter à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 à l'égard du système scolaire au Québec;
Que sept sénateurs et seize députés fassent partie du comité;
Qu'il soit enjoint au comité de se livrer à des consultations aussi nombreuses et à un examen aussi approfondi des différents aspects de la question qu'il le jugera opportun;
Que le comité soit habilité à siéger durant les travaux et après l'ajournement du Sénat;
Que le comité soit habilité à soumettre des rapports périodiques, à demander à rencontrer certaines personnes ou à voir certains documents ainsi qu'à reproduire tous les documents ou autres éléments de preuve qui lui sembleront utiles;
Que le comité soit habilité à engager des experts ainsi que du personnel professionnel, technique et de bureau;
Que le quorum soit de douze membres chaque fois que l'on passe une question aux voix, que l'on adopte une résolution ou que l'on veut prendre quelque autre décision, dans la mesure où les deux Chambres sont représentées, et que les coprésidents soient habilités à convoquer une réunion, à recevoir des éléments de preuve et à en autoriser l'impression dans la mesure où six membres sont présents et que les deux Chambres sont représentées;
Que le comité soit habilité à désigner certains de ses membres pour constituer autant de sous-comités qu'il le jugera utile, et à déléguer auxdits sous-comités la totalité ou une partie de ses pouvoirs, à l'exception de celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes;
Que le comité soit habilité à autoriser la télédiffusion ou la radiodiffusion d'une partie ou de la totalité de ses délibérations;
Que le comité soumette son rapport final d'icile 7 novembre 1997;
Que, nonobstant les pratiques courantes, si le Sénat ou la Chambre des communes ne siège pas le jour ou le comité déposera son rapport, celui-ci soit remis au greffier de la Chambre qui ne siège pas, ou au greffier de l'une et l'autre Chambres si aucune des deux ne siège à cette date, le rapport devant dès lors être considéré comme ayant été déposé devant l'une ou l'autre Chambre, ou les deux, selon le cas; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer de ce qui précède.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, après avoir lu les propos du ministre responsable de parrainer cette motion à la Chambre des communes et écouté ceux du sénateur Hébert hier, nous devons nous interroger sur le manque de sérieux que le gouvernement apporte à la formation d'un comité mixte et aux travaux qu'il veut lui confier. En fait, ses porte-parole principaux ne cessent de répéter que le gouvernement est tout à fait d'accord avec la demande de l'Assemblée nationale du Québec. Vous n'avez qu'à lire le hansard de la Chambre des communes du 1er octobre pour vous rendre compte à quel point le gouvernement a pris une position ferme, pour ne pas dire enthousiaste, en faveur de la demande du Québec. Cet enthousiasme a trouvé écho ici hier, quoique des raisons inquiétantes motivent le gouvernement à tenir des audiences. En résumé, ces audiences ne doivent pas servir à élucider et à analyser ouvertement et sans préjugé le projet qui est confié au comité proposé - le but traditionnel d'un comité d'étude - mais au contraire, le gouvernement accepte la formation d'un comité pour les raisons suivantes, et je cite le sénateur Hébert:
Je souligne les derniers mots de cette déclaration du sénateur Hébert, porte-parole du gouvernement:[...] n'avons-nous pas le devoir, comme parlementaires, d'informer les dissidents de la portée de la modification proposée et de tenter de les convaincre de son bien-fondé [...]
En parlant des dissidents, il ajoute:[...] de tenter de les convaincre [...]
[...] de les convaincre de son bien-fondé [...]Le hasard a voulu que, hier, je m'élève contre l'effritement graduel du rôle du Parlement dont il est victime depuis de nombreuses années. Je ne m'attendais pas du tout à ce que ce cri d'alarme soit confirmé à un tel point que ce gouvernement soit prêt, ouvertement, à limiter le rôle du parlementaire à celui de convaincre tout opposant à se rallier en faveur d'une mesure gouvernementale.
[Traduction]
Pour qu'on le comprenne bien, le sénateur Hébert a été tout aussi catégorique lorsqu'il s'est exprimé en anglais. Je vous cite la traduction de ses propos dans le hansard:
Par conséquent, nous espérons que les audiences éclaireront le débat et nous permettront de convaincre ceux qui doutent des mérites de cette modification.
Limiter ainsi le rôle d'un parlementaire au travail d'un propagandiste à la solde du gouvernement, surtout lorsqu'une question aussi importante qu'une modification constitutionnelle est abordée, c'est véritablement le comble du mépris qu'un gouvernement peut témoigner envers les députés et le serment qu'ils ont prêté. C'est également un affront à ceux qui s'opposent à la modification et qui s'attendent, avec raison d'ailleurs, à ce que le comité parlementaire tienne des audiences justes et ouvertes.
[Français]
Si l'on se fie aux motifs qui ont mené à la formation d'un comité mixte tels qu'exprimés par le sénateur Hébert, il semble évident que les dés sont pipés, que le rapport est peut-être en rédaction à ce moment même, et que toute opposition à la modification proposée, aussi fondée soit-elle, est vouée à l'échec.
Que dire de cet argument que le sénateur Hébert apporte en faveur de l'amendement? Je cite:
Même le Bloc québécois ne s'y oppose pas.
Qui aurait pu croire qu'un gouvernement fédéral invoquerait l'appui d'un parti politique qui s'est donné comme mission l'échec du Canada tel qu'il est aujourd'hui, et qui ne reconnaît pas la Constitution du Canada comme argument en faveur d'une modification à cette même Constitution?
Se peut-il vraiment que l'incohérence que le gouvernement fédéral a constamment démontrée envers le Québec ait atteint un tel point de non-retour?
Je tiens à vous rappeler, honorables sénateurs, que dans l'un des attendus de la résolution qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec, il est clairement dit que la modification demandée n'est en aucune façon une reconnaissance de la Loi constitutionnelle de 1982 qui a été adoptée sans son consentement.
On a beau dire que la Cour suprême a statué sur cette affaire et qu'en effet, la Constitution s'applique au Québec, il n'en demeure pas moins que l'Assemblée nationale ne la reconnaît pas et entend maintenir cette position, quoiqu'en dise la Cour suprême. On connaît déjà la réaction du gouvernement du Québec et du Bloc québécois quant à sa position sur une décision que la cour doit rendre l'année prochaine en réponse aux trois questions qui lui ont été référées par le gouvernement du Canada: la Cour suprême ne peut se substituer à la volonté du peuple québécois.
Ceci est important à retenir car l'un des principaux arguments invoqués en faveur de la modification est que l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui est une garantie pour les droits à l'instruction dans la langue de la minorité, pourrait toujours être invoqué.
Ce qu'on ne nous dit pas, cependant, c'est que non seulement le Québec fait fi de la Charte, mais qu'une partie importante de l'article 23 ne s'applique pas au Québec, ce qui d'ailleurs est confirmé à l'article 59 de la même Charte.
Je veux souligner aussi que l'application de la formule d'amendement décrite dans l'article 43 est loin de faire l'unanimité quant à sa pertinence dans le cas qui nous préoccupe. En effet, le Parlement est appelé à libérer une province des conditions imposées par l'article 93 sans exempter les autres provinces auxquelles ces conditions s'appliquent aussi.
Lorsqu'un article de la Constitution sujet à amendement implique plus qu'une province, n'est-il pas normal que chacune d'entre elles ait son mot à dire? Il est primordial que le gouvernement, qui n'hésite pas à se tourner vers la Cour suprême pour se faire donner des réponses que tout le monde connaît d'avance, demande à cette même cour de lui indiquer quelle formule d'amendement doit s'appliquer ici. Sinon, je prévois des procédures juridiques dans le même sens par d'autres intéressés qui pourraient retarder toute décision finale pour une période indéterminée.
[Traduction]
Il est tout à fait déraisonnable de demander au comité de faire rapport au plus tard le 7 novembre. En moins de trois semaines, peut-on étudier à fond une modification à notre Constitution - visant, dans ce cas-ci, à abolir des droits qui existent depuis plus de 130 ans - et ses conséquences? Bien sûr que non. Incidemment, lorsque le sénateur Lavoie-Roux a questionné le sénateur Hébert au sujet de la date du 7 novembre, ce dernier a répondu:
[Français]
C'est une date qui a été entendue entre les deux gouvernements [...] et cela correspond à l'échéancier que le gouvernement du Québec insiste beaucoup pour que l'on respecte.
[Traduction]
Cette date, selon le sénateur Hébert, a été négociée par les deux gouvernements en cause et correspond au délai que le gouvernement du Québec nous demande de respecter.
Voilà, honorables sénateurs. Le Bloc est favorable; le Parti québécois a fixé un délai. Donc, plions-nous à leur volonté parce que le gouvernement du Canada l'ordonne.
Modifier une Constitution n'est pas seulement affaire d'entente à l'amiable entre deux gouvernements. Il s'agit d'un acte solennel et habituellement irrévocable dans lequel le Parlement assume une très grande responsabilité et personne n'a le droit de court-circuiter le processus, encore moins de le pervertir. Le sénateur Hébert, au nom du gouvernement, a aussi rejeté l'idée d'audiences au Québec. «Que les témoins viennent à Ottawa», dit-il, «et nous paierons leurs dépenses.» Ne se rend-il pas compte que les témoins ne sont pas tous des avocats grassement rémunérés, que l'éducation d'un enfant est une affaire hautement personnelle et que beaucoup de gens ne peuvent pas s'offrir le luxe de laisser leurs responsabilités à la maison ou au travail?
La Chambre des communes, souvenons-nous, a adopté à la hâte la résolution sur la clause 17, sans débat majeur et sans audiences. Heureusement, le Sénat a insisté pour qu'il y ait les deux, y compris des audiences à Ottawa et à St. John's. Des modifications ont été proposées au projet et renvoyées à la Chambre des communes, qui les a rejetées. Je suis convaincu que si elles avaient été adoptées, il ne serait pas nécessaire d'adopter une deuxième résolution. Cependant, le gouvernement de Terre-Neuve a décidé de modifier son système scolaire, allant même à l'encontre de la résolution originale, avec le résultat que nous savons tous.
La hâte avec laquelle le gouvernement tente de faire adopter la présente résolution pourrait bien aboutir au même résultat. Si cela se produit, le gouvernement libéral devra seul assumer la responsabilité de son manque de prudence.
Finalement, peu importe la nature des audiences et des recommandations du comité mixte proposé, le Sénat ne peut pas être lié par les travaux de ce comité; il assume ses propres responsabilités dans les affaires de cette nature. Ces responsabilités ne sauraient en aucun cas être compromises par sa participation aux travaux d'un comité mixte.
Beaucoup d'honorables sénateurs se souviendront que, pendant le débat sur une demande de participation à un comité mixte chargé d'étudier l'Accord du lac Meech, certains de nos vis-à-vis ont insisté sur le rôle distinct, séparé et autonome du Sénat dans le processus de modification de la Constitution. En fait, le Sénat s'est formé en comité plénier pour étudier cet accord et est arrivé à ses propres conclusions, ce dont notre Président se souviendra certainement.
En d'autres mots, si nous acceptons de faire partie d'un comité mixte, cela ne nous empêche en rien de décider de compléter, voire - sans vouloir être présomptueux - d'améliorer les efforts de ce comité mixte.
[Français]
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, le Québec sollicite le consentement du Sénat et de la Chambre des communes afin de modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cet amendement vise à mettre fin, au Québec, à l'application des alinéas (1) à (4) de l'article 93, qui portent sur les droits confessionnels.
Les droits confessionnels garantis par l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne s'appliquent qu'à six provinces: l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique et l'Île-du-Prince-Édouard.
Même là, il y a des variantes d'une province à l'autre parce que les droits sont protégés en référence aux droits qui existaient au moment de la Confédération. Les autres provinces ont des dispositions particulières qui tiennent lieu de l'article 93 et le remplacent. Rappelons-nous, à titre d'exemple, l'article 17 des Conditions de l'Union de Terre-Neuve au Canada qui a été modifié récemment et qui revient devant nous. L'amendement a été adopté de façon bilatérale.
Je voudrais dire quelques mots sur la formule d'amendement qui s'applique, à mon avis, dans le cas du Québec. Pour modifier les droits confessionnels énumérés à l'article 93, il faut, je crois, suivre l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a deux parties à l'article 93. On dit à l'article 93 que les provinces ont une compétence exclusive en matière d'éducation. Si on veut modifier cela, il faudrait obtenir l'accord de sept provinces regroupant 50 p. 100 de la population. La question n'est pas devant nous. Si cette question devait se trouver devant nous, la formule d'amendement serait 7/50 et s'appliquerait avec un droit possible de retrait pour une province.
Ce qui est devant nous, c'est l'amendement relatif aux garanties confessionnelles. Je suis d'avis pour dire que c'est l'article 43 qui s'applique. L'amendement peut être bilatéral, trilatéral ou multilatéral. À mon avis, il faut vider ce débat parce qu'il s'agit d'une question préalable.
Lisons le texte de l'article 43:
[Traduction]
(1600)
Les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée. Le présent article s'applique notamment:
a) aux changements du tracé des frontières interprovinciales;
b) aux modifications des dispositions relatives à l'usage du français ou de l'anglais dans une province.[Français]
Les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, et de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée. Le présent article s'applique notamment:
a) aux changements du tracé des frontières interprovinciales;
b) aux modifications des dispositions relatives à l'usage du français ou de l'anglais dans une province.Le texte français n'est pas aussi clair que le texte anglais. La version française parle de la «province concernée» et les juristes peuvent prétendre que l'Ontario, mentionnée à l'article 93, est concernée.
Par contre, la version anglaise de l'article 43 est précise, c'est le consentement de la province à qui l'amendement s'applique qui est requis. Dans le cas qui est devant nous, l'amendement sollicité par Québec ne va s'appliquer qu'au Québec.
Nous pouvons donc conclure que le consentement de l'Ontario n'est pas requis car les droits confessionnels de l'Ontario ne seront ni modifiés, ni abrogés, ni affectés par l'amendement actuel.
[Traduction]
Le paragraphe 93(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 est ainsi libellé:
Tous les pouvoirs, privilèges et devoirs conférés et imposés par la loi dans le Haut-Canada, lors de l'union, aux écoles séparées et aux syndics d'écoles des sujets catholiques romains de Sa Majesté seront et sont par la présente étendus aux écoles dissidentes des sujets protestants et catholiques romains de la Reine dans la province de Québec.
Certains disent que le Québec et l'Ontario sont entrelacés dans cette disposition. Cependant, d'autres disent - et, à mon avis, ils ont raison - que les droits des écoles séparées de l'Ontario sont étendus aux écoles du Québec. Toutefois, si le Québec veut changer la situation au moyen d'une modification constitutionnelle avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes, cela ne change en rien la situation en Ontario. Nous pouvons donc conclure qu'une modification bilatérale est possible.
[Français]
Un principe d'interprétation veut qu'une version claire doit être préférée à une version ambiguë. Ce que l'on doit chercher, c'est l'intention du constituant. Je crois qu'en 1867, on voulait protéger les écoles catholiques en Ontario et qu'on voulait protéger les écoles protestantes au Québec. Cela m'apparaît très clair.
Nous pouvons donc conclure que nous sommes en présence d'un amendement bilatéral, d'autant plus que le choix du Québec n'enlève absolument rien à la province de l'Ontario.
Je voudrais mentionner, en terminant, un extrait d'un arrêt de la Cour suprême du Canada, le Renvoi sur la Loi sur l'instruction publique de 1993, qui dit ceci:
Le Constituant a été assez sage pour ne pas figer les structures car celles-ci doivent justement pouvoir être modifiées pour s'adapter aux conditions sociales et économiques variables de la société.
Le contexte politique actuel diffère beaucoup du contexte de 1867, surtout au Québec, pas exclusivement, mais surtout au Québec, qui a vécu une Révolution tranquille il y a une trentaine d'années, révolution qui n'est pas finie.
En présence d'un amendement constitutionnel, il faut se pencher sur le but de l'amendement, avoir égard à l'histoire et, après mûre réflexion, si l'amendement s'avère nécessaire et s'il est soutenu par un large consensus, l'adopter.
En conclusion, il m'apparaît important d'examiner ces questions, et notre leader en a soulevé d'autres, parce qu'il y a d'autres points juridiques qui se posent. Il faut donc les examiner plus en profondeur en comité et, si besoin est, de consulter les experts.
Je dis donc oui à ce comité, mais je doute que nous ayons assez de temps pour étudier des questions tout de même assez importantes.
[Traduction]
L'honorable Sharon Carstairs (leader suppléant du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Beaudoin et le sénateur Lynch-Staunton de leur contribution au débat de cet après-midi et, bien entendu, je remercie mon collègue pour sa contribution d'hier. Le sénateur Beaudoin a soulevé des questions constitutionnelles très intéressantes, auxquelles il faudra répondre dans tout exercice d'audience publique, afin de savoir notamment si cette proposition d'amendement peut-être présentée en vertu de l'article 43. On propose de le faire en vertu de cet article, mais nous devrons également entendre d'autres points de vue pour savoir si cette façon de faire est la bonne. Comme d'habitude, sa connaissance de la Constitution nous aide...
(1610)
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, puis-je interrompre? Je ne m'y retrouve pas. Madame le sénateur fait-elle des observations, répond-elle à des questions ou prononce-t-elle un discours?
Le sénateur Carstairs: Je fais un discours.
Le sénateur Prud'homme: Nous n'avons pas été prévenus. Merci.
Le sénateur Carstairs: Merci.
Le sénateur Beaudoin a soulevé cette question et nous sommes très heureux de l'avoir avec nous pour pouvoir profiter de sa compétence en matière constitutionnelle. Il m'a beaucoup appris lorsque j'ai siégé avec lui au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Le sénateur Lynch-Staunton a également soulevé ce qui me paraît être un point d'une extrême importance. Il s'agit de voir, dans cette motion, si le Sénat acceptera de créer un comité mixte avec la Chambre des communes. C'est essentiellement l'objet de la motion dont nous sommes saisis. Le sénateur a déclaré très clairement, je n'ai pas ses paroles exactes mais je paraphraserai ses propos en espérant que ce soit dans le bon contexte, que cela ne nous empêche pas d'aller de l'avant. C'est exact. Nous sommes les artisans de notre propre destin, et c'est la raison pour laquelle j'ai reporté la motion principale hier et je continue de la reporter pendant que le comité mixte, si nous acceptons qu'il soit constitué, poursuivra ses délibérations sur cette question. Nous entamerons ensuite le débat sur la motion d'amendement et nous pourrons alors décider collectivement de la façon dont nous entendons procéder.
Honorables sénateurs, il y a un élément d'information que je veux communiquer au Sénat cet après-midi. Je pense que l'étude que nous avons faite de la clause 17, dont le sénateur Lynch-Staunton a parlé, fut une très précieuse contribution au débat et à l'étude de cette modification constitutionnelle, en ce sens que la Chambre des communes n'a tenu ni débat en profondeur ni audiences publiques. Nous avons tenu ces audiences. Nous avons commencé le processus le 13 juin 1996 et déposé notre rapport le 17 juillet 1996. Au cours de cette période, nous nous sommes réunis 14 fois en 9 jours. Nous avons dû composer avec certains congés qui tombaient dans cette période: la Saint-Jean-Baptiste, la Fête du Canada et même un congé particulier à St. John's. Nous avons quand même réussi à terminer une étude très intensive de la modification constitutionnelle en question dans le peu de temps qu'il nous restait.
Ce que j'espère, c'est que nous puissions réaliser le même type d'étude intensive au comité mixte, afin qu'on puisse présenter un rapport d'ici le 7 novembre, comme on l'a fait avec la modification de la clause 17. Toutefois, nous ne devons pas perdre de vue, comme le sénateur Lynch-Staunton nous l'a rappelé si éloquemment, que nous pouvons encore aller de l'avant en tout temps.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Puis-je demander une précision au leader adjoint et commenter son intervention? J'aimerais bien l'entendre...
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur pose-t-il une question?
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui, une question qui s'adresse au sénateur Carstairs. J'aimerais bien l'entendre dire qu'elle voudrait elle aussi qu'on lui précise si l'article 43 s'applique dans ce cas et qu'elle espère que le comité puisse entendre diverses opinions à ce sujet. Ceci en soi est acceptable, sauf que tout ce que nous entendrions serait des opinions diverses. Certains diraient oui, d'autres non. Bon nombre diraient oui, bon nombre diraient: «Nous ne savons pas». Nous n'aurions aucune opinion définitive. La seule opinion définitive que nous puissions avoir est celle de la Cour suprême du Canada. J'aurais pensé que le gouvernement aurait reçu cette réponse immédiatement de façon à ce que nous n'ayons pas à nous inquiéter d'un aspect fondamental du processus, en nous demandant si nous utilisons la formule de modification appropriée.
Il est vrai que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, que le sénateur Carstairs a présidé avec une telle compétence, a pu, durant cette courte période, tenir des audiences et faire rapport dans les délais fixés par le Sénat, mais ces délais ont été fixés par le Sénat. Le programme du comité a été établi par le Sénat. Les audiences ont été déterminées par le Sénat. Nous nous sommes imposé des délais, sans rien savoir de la nature du travail du comité, des témoins que nous aimerions entendre, sans même savoir qui faisait partie de ce comité de ce côté-ci, qui en étaient les coprésidents, qui travaillait pour lui. On nous demande un geste de foi que je trouve difficile à faire à ce stade. Ces délais nous sont imposés moins par le gouvernement que par le Bloc québécois et le Parti québécois.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur, est-ce une question?
Le sénateur Lynch-Staunton: N'ai-je pas le droit de faire aussi des commentaires, pas seulement de poser des questions dans le cadre de ce processus de réfutation et de clarification?
Son Honneur le Président: Vous êtes intervenu au sujet de la motion, honorable sénateur.
Le sénateur Lynch-Staunton: Alors, ma question est celle-ci: madame le sénateur Carstairs peut-elle nous dire pourquoi la date du 7 novembre est tellement importante et ne peut être changée? Si je continue, je vais faire d'autres commentaires, je ferais mieux de m'arrêter ici.
Le sénateur Carstairs: Le sénateur Lynch-Staunton a posé, en fait, plusieurs questions. On a décidé de ce côté-ci que les sénateurs Grafstein, Pépin, Robichaud (Saint-Louis-de-Kent) et Wood nous représenteront au comité. J'ai eu certaines discussions avec le sénateur Kinsella, mais je pense qu'il voudra peut-être nous présenter sa propre liste, pour son côté.
En ce qui concerne la question touchant le 7 novembre, il est vrai que le premier aspect de cette motion a été présenté à la Chambre des communes. Il s'agit de la date à laquelle la Chambre nous a demandé de se joindre à elle pour compléter l'étude, que nous terminerons conjointement. Il nous incombe donc de déterminer si oui ou non nous acceptons cette date.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je ne peux penser à aucune autre question plus importante dont le Sénat ou, en fait, l'autre endroit pourrait être saisi qu'une question touchant la Constitution du Canada, et c'est exactement ce dont il s'agit dans le cas présent. Il n'est pas question d'un règlement municipal qu'on peut modifier à volonté. L'expérience que nous avons eue il y a un an environ dans le cadre de l'étude de la modification constitutionnelle touchant les écoles confessionnelles à Terre-Neuve et au Labrador a été regrettable, et pourtant, nous allons être saisis d'une autre modification portant sur le même sujet dans un avenir assez rapproché.
Beaucoup s'inquiètent de voir des modifications constitutionnelles nous parvenir si rapidement que nous en perdons de vue la gravité. La Constitution n'est pas une loi ordinaire. Il s'agit d'une loi spéciale tout à fait fondamentale. En fait, honorables sénateurs, la Constitution définit le rapport de pouvoir qui existe entre les Canadiens et leurs gouvernements, que ce soit au niveau provincial ou fédéral dans notre Confédération. La Constitution définit le rapport qu'il y a entre les droits des citoyens et la compétence de nos gouvernements.
Dans le cas dont nous sommes saisis, honorables sénateurs, il me semble que nous devons nous pencher sur au moins trois des institutions qui aident à protéger et à promouvoir les droits des citoyens.
(1620)
La Constitution définit le rapport de force entre les Canadiens et leur gouvernement en précisant les droits des gens et ceux de l'État ou du gouvernement. Elle précise les institutions auxquelles on peut avoir recours pour faire respecter les limites établies.
Les institutions qui existent dans notre système sont de trois ordres. Il y a le judiciaire. L'honorable sénateur Lynch-Staunton a parlé des tribunaux dans le cadre de cette affaire. En tant qu'institution, les tribunaux jouent un rôle essentiel dans la promotion et la protection de nos droits. Si on se pose des questions - comme celles qui ont été soulevées ici - sur la nature des droits qui seront modifiés par cette disposition et si on doit en évaluer la constitutionnalité à l'avance au moyen d'un renvoi, les tribunaux sont l'institution qui, dans notre système, protège ces droits.
Il existe deux autres institutions dans la démocratie parlementaire, qui est le régime sous lequel nous vivons. La deuxième institution est le système législatif, lequel, honorables sénateurs, inclut cette Chambre. Les assemblées législatives et le Parlement du Canada sont d'importantes institutions en ce qui concerne la protection et la promotion des droits des Canadiens. Par conséquent, c'est pour nous un moment grave lorsque nous traitons de questions de droits, les droits des citoyens et les droits qui relèvent de l'État tel que précisé par la Constitution. Lorsque nous traitons de questions de ce genre, nous devons être aussi scrupuleux, aussi vigilants et aussi précis dans notre analyse que les membres du judiciaire. Nous devons faire notre travail avec grand sérieux et avec grand soin, car ce n'est pas de règlements municipaux dont il s'agit.
La troisième institution pour la protection et la promotion des droits des Canadiens, c'est la population elle-même, qu'elle exprime la protection et la promotion institutionnalisées de ses droits par l'intermédiaire d'organismes non gouvernementaux ou qu'elle l'exprime par l'exercice du droit de vote. Nous avons vu Terre-Neuve recourir aux référendums non pas une fois, mais deux. Il y a plusieurs écoles de pensée quant à savoir si c'est une manière utile de procéder pour évaluer l'intérêt des peuples tel qu'exprimé par la population. Je sais qu'il y a plusieurs écoles. Néanmoins, nous devons écouter la population. Cela m'amène, honorables sénateurs, à la motion qui nous est soumise et à ses détails.
Je fais allusion au fait que dans l'antépénultième paragraphe, on dit que le comité doit soumettre son rapport final au plus tard le 7 novembre 1997. Je crois savoir que le comité ne se rendrait pas au Québec pour tenir des audiences et entendre la population. Je pense que ce n'est pas normal, et cela pour les raisons qui suivent.
Si vous pensez, comme moi, qu'il n'y a pas que le judiciaire et le législatif qui comptent, mais aussi cette troisième institution qui est la population - celle-ci étant une institution importante pour la définition et la protection des droits -, alors il faut entendre la population et se rendre à la population.
En l'occurrence, nous avons entendu le sénateur Beaudoin qui a attiré notre attention sur une question très intéressante en ce qui concerne l'application de la résolution et ses conséquences pour la province de Québec, et sur la possibilité qu'elle s'applique aussi à la province de l'Ontario. Je pense naturellement àl'article 93 de la Constitution. Il s'applique à l'Ontario et au Québec en ce qui concerne les écoles séparées.
Les historiens peuvent nous expliquer les circonstances qui existaient il y a 130 ans et l'entente constitutionnelle qui a été conclue. Les opinions diffèrent à l'égard de l'application de la dynamique politique de l'époque par rapport à aujourd'hui. Néanmoins, de graves interrogations se posent sur la question de savoir si le statut des écoles séparées ou confessionnelles en Ontario serait touché par une modification aux droits prévus à l'article 93 et concernant les écoles du Québec. Selon toute vraisemblance, on pourrait conclure que le comité n'aurait pas à se rendre seulement au Québec, mais aussi dans certaines parties de l'Ontario pour faire une évaluation exhaustive et pour entendre ce que les Canadiens pensent de ce dossier crucial.
Honorables sénateurs, il va sans dire que j'appuie entièrement la constitution du comité mixte. Je suis disposé à accepter la résolution telle qu'elle apparaît. Cependant, j'ai des questions d'ordre technique qui exigent des réponses, car les modifications constitutionnelles de ce genre sont fondamentales.
Honorables sénateurs, je vous invite à consulter vos agendas et vos calendriers et à regarder les délais. Une importante question touchant la Constitution ne peut être évaluée par un comité d'une seule Chambre. Nous savons tous comme nos travaux se compliquent quand un comité sénatorial se penche sur une question, mais nous parlons ici d'un comité mixte des deux Chambres chargé d'étudier une question aussi importante et fondamentale qu'une modification constitutionnelle. Regardez vos calendriers. J'ignore quand cette motion sera adoptée au Sénat - peut-être cette semaine ou plus tard -, mais je sais que lundi est un congé férié. Heureusement, mon calendrier indique «Action de grâce, Canada», alors que celui de certains sénateurs indique peut-être «Columbus Day». De toute façon,
c'est congé lundi. Si le comité est constitué, il pourra siéger une partie de la semaine. Puis, il y aura les semaines du 20 et du 27, soit 15 jours environ. Le comité comprendra 16 députés et sept sénateurs. C'est un gros comité, de sorte que la question du temps est très importante. Les questions d'ordre juridique indiquent par ailleurs que nous devrions nous rendre non seulement au Québec, mais aussi dans certaines parties de l'Ontario. Le comité doit présenter son rapport final au plus tard le 7 novembre, mais la rédaction et la traduction de ce rapport exigeront quatre ou cinq jours. Cela nous amène à la fin du mois.
(1630)
Honorables sénateurs, malgré toute la sagacité et tout le zèle dont savent faire preuve les parlementaires, on ne saurait mener à bien pareille tâche dans un délai si serré. Nous rendrions un bien mauvais service aux Québécois et aux Ontariens, voire à l'ensemble des Canadiens, si les membres de ce comité mixte se prêtaient à un exercice qui serait limité à tel délai, alors qu'il nous faut mûrement y réfléchir.
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Le sénateur Kinsella pourrait peut-être éclairer ma lanterne. Il semble y avoir contradiction entre ses propos et ceux du sénateur Beaudoin quant à la question des débats qui se tiennent au Sénat sur une question constitutionnelle.
Je croyais que le Sénat serait unanime à penser que les sénateurs pouvaient élaborer en toute liberté une position sur toute question constitutionnelle, loin du peuple, de la Chambre des communes et du pouvoir judiciaire. D'où, alors, vient la nécessité de régler la question judiciaire, avant que les sénateurs, que ce soit au sein du comité ou dans cette enceinte, puissent décider s'il s'agit, oui ou non, d'un problème d'ordre constitutionnel? Je n'ai pas encore tranché la question. J'ai prêté une oreille très attentive aux propos du sénateur Beaudoin et du sénateur Lynch-Staunton. Il semble y avoir contradiction.
Serait-ce que les honorables sénateurs d'en face laissent entendre de façon plus ou moins directe que les sénateurs ne sauraient se pencher sur une question constitutionnelle, peu importe que la cour intervienne ou non?
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, le sénateur Grafstein nous fournit une bonne occasion d'apporter des précisions. Il s'agit de savoir ici comment il faut appliquer l'article 43. C'est affaire d'interprétation de l'article 43, et ça, c'est le rôle des tribunaux.
Ma position quant au rôle des tribunaux, du peuple et du Parlement - les organismes législatifs, c'est-à-dire les assemblées législatives, le Sénat et la Chambre descommunes -, c'est que les trois institutions ont un rôle à jouer en ce qui concerne la protection et la promotion des droits du peuple. La distinction entre les considérations générales et particulières liées à l'applicabilité de l'article 43 s'inscrit dans les responsabilités interprétatives des tribunaux.
Le sénateur Grafstein: Si j'ai bien compris, le sénateur Kinsella dit que le Sénat peut parfaitement se pencher sur les questions de procédure et d'échéancier. Le comité sénatorial peut parfaitement participer aux travaux d'un comité mixte chargé de déterminer si, à son avis, ces questions sont conformes à la Constitution, et il peut ensuite laisser aux tribunaux le soin de déterminer s'il devrait y avoir un renvoi ou s'il faut recourir à une autre solution.
Je pense que rien ne devrait empêcher le comité de se prononcer sur le caractère constitutionnel des questions dont il est saisi relativement à la résolution. C'est là le sens de ma question.
Le sénateur Kinsella: En réponse au sénateur Grafstein, il serait préférable pour la conduite des affaires publiques, notamment lorsque le temps le permet, que le gouvernement examine toutes les formules de modification possibles. Sommes-nous certains que c'est la bonne solution? Les gouvernements auraient pu renvoyer cette question aux tribunaux pendant les mois d'été. C'est là où je voulais en venir.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vois que le sénateur Beaudoin veut prendre la parole.
Le sénateur Beaudoin: Votre Honneur, le sénateur a mentionné mon nom. Puis-je répondre?
Son Honneur le Président: Le Règlement du Sénat du Canada ne le permet pas, mais si le Sénat y consent, nous pouvons laisser le sénateur intervenir.
La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, je n'ai pas préconisé que nous renvoyions la question à la Cour suprême. Je sais que le gouvernement peut le faire et que certains peuvent prôner cela. De toute évidence, le Sénat est une Chambre législative. Nous interprétons la Constitution et nous faisons ce que nous voulons, dans les limites de la Constitution. Nous avons ce pouvoir. Nous pourrions renvoyer la question à la Cour suprême avant de procéder à une modification, c'est vrai, mais c'est là une autre question. Le sénateur Lynch-Staunton a évoqué cette possibilité. Cependant, le Sénat peut aussi dire: d'accord, nous entendrons quelques avocats défendant cette thèse et d'autres qui soutiennent l'autre thèse. Nous devons assumer nos responsabilités. Je ne l'ai jamais nié.
L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, j'interviens pour parler de la motion visant à créer un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes, qui étudierait la résolution constitutionnelle portant modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Je dois admettre que j'ai de sérieuses réserves au sujet de cette modification constitutionnelle, et je vous ferai part de mes inquiétudes durant notre étude de la modification proposée. En ma qualité de sénateur de la province de Québec, tout
changement touchant les droits d'une minorité dans cette province et au Canada m'intéresse énormément. J'ai le devoir de veiller à ce que tous ceux qui veulent s'exprimer à ce sujet aient droit à un moment de notre attention. Si ce n'est pas possible, je transmettrai moi-même leurs préoccupations aux sénateurs.
La modification de notre Constitution, et des droits des minorités qu'elle protège, est toujours une chose sérieuse puisque d'autres groupes dont les droits sont protégés par notre Constitution pourraient aussi subir l'impact de cette modification. C'est pourquoi il importe tant qu'un comité étudie à fond cette demande de modification.
Le comité qui recueillera les témoignages et étudiera la résolution en profondeur aura beaucoup à faire pour s'assurer que l'adoption de cette résolution n'affaiblira pas les droits des minorités au Canada, notamment au Québec. Le gouvernement du Québec nous a donné des assurances. Ses représentants aux Communes et le Bloc québécois ont fait de même. Enfin, le ministre des Affaires intergouvernementales a donné son aval. J'invite néanmoins les membres du comité à ne pas se fier à ces assurances. Le comité doit prendre ses décisions à la lumière des faits. Il doit être méticuleux et vigilant dans son étude de la résolution et de ses conséquences pour les générations futures de Canadiens. Les assurances principales que donnent le gouvernement du Québec, le Bloc québécois et le ministre Dion sont les suivantes: ne vous inquiétez pas, disent-ils, il y a consensus au Québec au sujet des commissions scolaires linguistiques; ne vous inquiétez pas, les minorités seront protégées. Examinons rapidement ces assurances.
L'une des tâches les plus importantes du comité sera de vérifier si la résolution fait l'objet d'un consensus au Québec. Ce sera difficile, car il n'y a pas eu d'audiences publiques sur la résolution au niveau provincial. Les Québécois n'ont pas encore eu la possibilité de dire s'ils approuvent ou non la proposition de modification. On nous dit néanmoins qu'il y a consensus. Le gouvernement québécois dit que ce consensus existe depuis20 ou 30 ans. Il était inutile de consulter les Québécois parce qu'ils ont été maintes fois consultés sur les commissions scolaires linguistiques. Le 15 avril 1997, l'Assemblée nationale a adopté une résolution demandant que l'article 93 de la Loi constitutionnelle ne s'applique plus au Québec.
Aux termes de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, la formule de modification choisie par le gouvernement québécois, une résolution semblable doit également être adoptée par le Sénat et les Communes. Le 1er octobre 1997, la motion dont nous sommes saisis a donc été étudiée aux Communes. En proposant la motion, le ministre des Affaires intergouvernementales a parlé du même consensus que le gouvernement du Québec. Je cite M. Dion:
Au fil des consultations et des rapports qui ont jalonné les trente dernières années, un consensus s'est dégagé sur la nécessité de réorganiser les structures scolaires sur une base linguistique plutôt que confessionnelle. Ce consensus s'est confirmé lors des états généraux sur l'éducation en 1996, à l'occasion desquels on a pu vérifier que les Québécois de confessions catholique et protestante, aussi bien anglophones que francophones, désiraient l'implantation de commissions scolaires linguistiques.
Le consensus sur l'existence du consensus s'est maintenu dans l'intervention du député bloquiste Réal Ménard, premier membre de son parti à commenter la motion à la Chambre des communes:
Pourquoi n'y a-t-il pas eu de référendum au Québec sur ce sujet? [...] La raison [...], c'est d'abord parce que les principaux intervenants du secteur de l'éducation, toutes tendances confondues, se sont manifestés avec une exceptionnelle clarté en faveur de l'établissement de commissions scolaires linguistiques.
(1640)
Le comité doit, de son côté, confirmer cet appui. Pour ce faire, il devrait recueillir le témoignage de Québécois, de ceux-là mêmes qui seront touchés par le changement. Ce n'est toutefois pas la seule crainte du comité en ce qui concerne le consensus.
Le comité doit également déterminer si le consensus qui existe au Québec s'applique bien à la question qui se pose actuellement. Le consensus dont parle le gouvernement du Québec, le ministre des Affaires intergouvernementales et le Bloc québécois ne correspond peut-être pas au consensus que nous devrions rechercher. Chacune des citations précédentes fait mention d'un consensus au sujet de la création de commissions scolaires linguistiques. Toutefois, ce n'est pas là la question dont nous sommes saisis, honorables sénateurs. La résolution ne porte pas sur les commissions scolaires linguistiques. Elle facilitera la création de commissions scolaires linguistiques, mais ce n'est pas le principal objectif qu'elle vise. En fait, la résolution dont nous serons saisis retirera aux écoles confessionnelles et aux citoyens du Québec la protection que leur accorde actuellement la Constitution. La résolution leur retirera des garanties constitutionnelles. C'est complètement différent.
Pendant la trentaine d'années qu'auront duré les consultations sur l'éducation au Québec, aura-t-il vraiment été question de la possibilité d'abolir ces garanties constitutionnelles? Si l'abolition de l'article 93 n'a jamais été abordée lorsque les Québécois ont été consultés au sujet de la réforme de l'éducation, le consensus qui s'est dégagé au cours de ces consultations ne nous est d'aucune utilité aujourd'hui. Nous voulons savoir si les Québécois sont prêts à renoncer à leurs droits constitutionnels.
Le 1er octobre 1997, en prenant la parole au sujet de cette motion, le bloquiste Réal Ménard a déclaré à la Chambre des communes:
[...] C'est depuis 1982 qu'on a un consensus là-dessus au Québec. Même le Conseil supérieur de l'éducation et l'Assemblée des évêques y sont favorables. Quand l'Assemblée des évêques se prononce sur une question, elle le fait généralement avec solennité.L'Assemblée des évêques du Québec pourrait bien être en faveur de l'établissement de commissions scolaires linguistiques, de sorte que les parents des enfants du Québec pourraient avoir le droit de choisir entre une instruction confessionnelle ou non confessionnelle. Elle pourrait même être disposée à céder une partie du pouvoir qu'elle exerce sur les commissions scolaires, en reconnaissance de la laïcisation de la société québécoise. Toutefois, je doute que les évêques accepteraient de renoncer à la protection constitutionnelle dont jouissent les parents protestants et catholiques depuis 1867. Ce n'est pas le premier cas où un appui précédemment exprimé en faveur des commissions scolaires linguistiques n'équivaudrait pas nécessairement à un appui à la résolution.
Le ministre Dion, dans ses déclarations à la Chambre des communes, a parlé des États généraux de l'éducation en 1996. Ces derniers ont appuyé l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Cependant, dans un rapport dissident rédigé par Gary Caldwell, ce dernier a également exprimé son appui aux écoles confessionnelles. M. Caldwell a écrit ce qui suit à propos des mémoires présentés aux États généraux qui ont traité de la question de la confessionnalité:
Selon notre analyse, de 57 p. 100 à 63 p. 100 des mémoires, selon qu'ils comprenaient des points de vue ambigus ou indifférents, étaient en faveur des écoles confessionnelles.
Il semble que l'appui accordé à une chose, à savoir les commissions scolaires linguistiques, n'entraîne pas nécessairement l'approbation d'une autre, à savoir la suppression des droits confessionnels prévus à l'article 93. C'est ce genre de confusion que le comité doit aider à clarifier.
J'ai un dernier point à soulever au sujet du consensus. Le député Réal Ménard, dans son discours à la Chambre des communes, a dit ceci:
L'Assemblée nationale a adopté la résolution d'une voix unanime. Et on sait bien [...] que les moments d'unanimité, dans un Parlement, ne sont pas si nombreux que ça. Alors, soyons heureux d'être en présence d'une unanimité à l'Assemblée nationale du Québec concernant l'établissement de commissions scolaires linguistiques.
Honorables sénateurs, l'existence d'un consensus politique n'indique pas nécessairement un consensus sur le terrain. En tant que politiques, nous savons que des ententes sont conclues, que d'autres considérations entrent parfois en jeu dans des négociations.
Le 22 avril 1997, un article de la Gazette de Montréal, intitulé «Dion dépose une modification», citait M. Gary Caldwell, auteur de l'opinion dissidente dans le rapport final des états généraux sur l'éducation. Il aurait déclaré:
Le consensus dont parle le gouvernement du Québec est un consensus inventé dans la classe politique - il ne correspond pas aux préoccupations de la population [...]
Je connais bien des personnes et des groupes qui ne sont pas favorables à la résolution actuelle. Je mentionnerai, par exemple, la Coalition pour la confessionalité scolaire. Cette coalition regroupe environ 18 organismes et groupes. Selon les derniers chiffres, cette coalition représenterait au moins685 000 personnes. Cela n'est pas un signe de consensus au Québec. Je suis sûre que cette coalition n'est pas la seule source de dissidence dans la province. Le comité entendra un grand nombre d'organismes, de groupes et de personnes qui ont des préoccupations semblables.
L'autre garantie que nous avons reçue du gouvernement du Québec, du ministre Dion et du Bloc québécois porte sur les droits des minorités. Ils nous disent de ne pas nous inquiéter, que les minorités seront protégées. Ils offrent des garanties concernant le droit à un enseignement confessionnel et le droit à un enseignement dans la langue de la minorité. Je commenterai brièvement ces deux garanties.
Les partisans de la résolution disent que, même si les dispositions de protection pertinentes sont supprimées de la Loi constitutionnelle de 1867, le droit à des écoles confessionnelles est protégé dans la Charte des droits et des libertés du Québec. L'article 41 de cette charte dit:
Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi.
La nature de cette protection n'apaise pas les craintes de ceux qui s'opposent au changement, et pour une bonne raison. Voici ce qu'écrivait la Coalition pour la confessionnalité scolaire dans la lettre qu'elle m'a adressée en septembre 1997:
À notre avis, et de l'avis de plusieurs constitutionnalistes que nous avons consultés, modifier l'article 93 a pour effet d'éliminer pratiquement les garanties en matière confessionnelle contenues dans la Loi de 1988 sur l'éducation du Québec, de sorte qu'à l'avenir de telles garanties dépendront de la volonté du gouvernement provincial au pouvoir. Même la Charte du Québec, qui reconnaît certains droits religieux des parents, peut être modifiée par l'Assemblée nationale.
Ils ont raison, honorables sénateurs. Nous savons que certains droits reconnus à la minorité par la Constitution met cette dernière à l'abri de la majorité. La résolution dont nous sommes saisis supprime la protection constitutionnelle accordée aux groupes religieux en matière d'éducation pour la remplacer par ce qu'on appelle une «protection» dans les lois ordinaires, qui peuvent être facilement modifiées. Même la Charte des droits et
libertés du Québec peut être modifiée par une simple majorité à l'Assemblée nationale. Appartenant moi-même à une minorité, je comprends qu'il ne faut pas compter sur la volonté de la majorité ni même sur la bonne volonté des gouvernements.
On n'a qu'à voir les promesses non tenues que l'on avait faites à la communauté anglophone du Québec, où elle constitue une minorité, pour comprendre qu'on ne peut faire confiance au gouvernement péquiste pour protéger les droits de la minorité anglophone dans la province de Québec. Le traitement de la communauté anglophone de la part du gouvernement du Québec est très éloquent à cet égard. Le premier ministre Bouchard a prononcé le 11 mars 1996 un discours devant les représentants de la communauté anglophone du Québec réunis au Centaur Theatre de Montréal. Il y disait notamment ceci:
La communauté anglophone et les individus qui la composent ont des droits, des institutions, une dignité et une force que le gouvernement du Québec protégera et préservera.
Malheureusement, le respect des anglophones du Québec se résume à de belles paroles. Voyons seulement un aspect de la vie des anglophones au Québec, à savoir les soins de santé, qui montre que, même si un droit est reconnu dans la loi, son exercice peut facilement être contrarié par l'action ou l'inaction du gouvernement.
Les sénateurs se rappelleront que j'ai déjà parlé de la question des soins de santé pour la minorité anglophone du Québec, plus précisément le 17 avril 1997. J'avais alors expliqué quel'article 15 de la Loi québécoise sur la santé et les services sociaux donne aux anglophones du Québec le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux en anglais. Toutefois, ce droit est tempéré du fait que ces services doivent être offerts par l'intermédiaire de programmes d'accès, lesquels sont établis par les conseils de santé régionaux. Ce sont les personnes qui siègent à ces conseils qui gèrent les services sur place. Elles savent quels services sont nécessaires dans la région. C'est là que le gouvernement fédéral entre sur la scène des soins de santé. Les gouvernements québécois et fédéral ont convenu de contribuer chacun une somme dans une caisse qui sert à payer le salaire des coordonnateurs qui établissent les programmes d'accès en collaboration avec les conseils régionaux. Ces coordonnateurs font aussi la liaison entre la communauté anglophone, les établissements de santé et les conseils régionaux et s'assurent que les programmes d'accès sont bien mis en oeuvre et que les services sont offerts en anglais aux Québécois qui le désirent. Les programmes d'accès qu'ils contribuent à établir sont alors examinés et approuvés par le gouvernement du Québec.
Cela fait maintenant deux ans que la communauté anglophone du Québec attend de nouveaux programmes d'accès. Beaucoup de modifications ont été apportées au système de soins de santé du Québec et, par suite de ces modifications, beaucoup d'établissements qui desservent la communauté anglophone, beaucoup de cliniques communautaires notamment, ne sont pas visés par les anciens programmes d'accès. Cela veut dire essentiellement que les services en anglais ne sont pas garantis dans ces établissements. L'approbation des nouveaux plans d'accès a été sérieusement retardée lorsque le conseil des ministres de Lucien Bouchard a décidé que les plans d'accès proposés exigeaient que trop d'établissements deviennent bilingues. Je ne comprends pas qu'on puisse devenir «trop bilingue».
Le conseil des ministres de M. Bouchard a également demandé à l'Office de la langue française d'intervenir et d'examiner les plans d'accès. Nous savons tous ce que l'Office de la langue française pense habituellement de tout ce qui est contaminé par la langue anglaise.
Les sénateurs voient-il comment il est facile de violer un droit? Non seulement le traitement des plans ne se fait pas de façon rapide et responsable, mais le gouvenement du Québec prévoit modifier les lignes directrices utilisées pour élaborer les plans d'accès. C'est mauvais signe. L'Office de la langue française cherche aussi activement à s'acquitter de son mandat dans les hôpitaux qui offrent des services en anglais.
Par exemple, on rapportait dans la Gazette de Montréaldu 16 septembre 1997 que l'hôpital La Providence, à Magog, s'était fait dire de ne plus faire d'affichage en anglais.
Cet affichage consistait principalement dans des indications imprimées sur des petites feuilles de papier pour orienter les gens vers les divers services. L'hôpital n'a pas le statut d'établissement bilingue qui lui permettrait d'afficher en anglais, même s'il dessert maintenant une population anglophone plus grande à cause de la fermeture de l'hôpital de Sherbrooke.
Honorables sénateurs, comment pouvons-nous nous attendre à ce qu'un gouvernement qui empêche les gens d'exercer un droit aussi fondamental que de recevoir des soins de santé en anglais, un droit légiféré, protège les droits des minorités? Comment pouvons-nous savoir que le gouvernement du Québec ne touchera pas aux droits des parents catholiques et protestants et de leurs enfants?
Son Honneur le Président: Je regrette de devoir interrompre le sénateur, mais ses quinze minutes sont écoulées. Madame le sénateur Wood a-t-elle la permission de continuer?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Wood: Il n'y a que la parole de la législature provinciale. Cette parole est-elle suffisante pour remplacer des garanties constitutionnelles? Je dirais que non, honorables sénateurs.
Je terminerai en parlant du droit des Québécois anglophones de gérer leurs propres conseils scolaires. On a dit à maintes reprises que la résolution n'avait rien à voir avec les droits de la minorité anglophone. Cependant, la question a été abordée lors du débat sur la motion à l'autre endroit et je m'attends à ce que le comité l'étudie aussi.
On nous dit que les droits à l'éducation de la minorité anglophone sont protégés par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela est vrai dans une certaine mesure, mais nous ne devons pas oublier que l'article 23 ne s'applique pas en entier au Québec. La législature du Québec a fait montre de sa bonne volonté à cet égard, mais seulement après que le consensus politique ait été menacé par le Parti libéral du Québec. La résolution n'aurait pas été adoptée à l'unanimité si la phrase suivante n'avait pas été incluse dans le préambule de la résolution du gouvernement du Québec:
Considérant que l'Assemblée nationale du Québec a réaffirmé les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise, en particulier, le droit, conformément à la loi du Québec, des membres de cette communauté de faire instruire leurs enfants dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle, et qui sont financés à même les fonds publics...
Les honorables sénateurs se souviennent-ils du préambule qui a été offert au Parti québécois au moment de l'étude de l'Accord du lac Meech? Qu'ont-ils dit de l'inscription du caractère unique de la province dans le préambule? Ils ont dit que cela ne valait pas le papier sur lequel il était écrit et je crois que la même chose est vraie du préambule que je viens de lire.
Lors de son discours du Théâtre Centaur, le premier ministre Bouchard a déclaré:
[...] Je crois avoir la responsabilité de réaffirmer notre engagement solennel à protéger les droits de la communauté anglophone, aujourd'hui et dans un Québec souverain. Le contrôle sur les écoles, les collèges et les universités, l'accès aux tribunaux et aux services du gouvernement en anglais, la disponibilité des services sociaux et de santé en anglais, la radiodiffusion publique en anglais. Si la communauté anglophone en manifeste la volonté, avant le prochain référendum, nous verrons comment ces droits devraient être inclus dans la constitution d'un Québec souverain. C'est là, à mon sens, la meilleure police d'assurance.Honorables sénateurs, les promesses et la bonne volonté ne font qu'un temps. Le gouvernement Bouchard a montré à maintes reprises que ses promesses aux groupes minoritaires restent souvent lettre morte et que sa bonne volonté varie en fonction de son humeur. Je ne suis pas prête à confier à ce gouvernement la protection des droits des minorités. Si, comme le soutient Lucien Bouchard, l'inscription d'un droit dans la Constitution est la meilleure assurance possible, je ne vois absolument pas pourquoi lui et son gouvernement voudraient remplacer une protection constitutionnelle par une protection législative moindre.
Honorables sénateurs, tout le processus lié à la réforme de l'enseignement au Québec est caractérisé par un sentiment d'urgence. Comme vous le savez peut-être, les lois du Québec sont déjà en train d'être modifiées, en prévision de l'adoption de résolutions par le Sénat et la Chambre des communes pour autoriser la modification de la Constitution.
Les conseils scolaires provisoires prévus par ces dispositions législatives tiendront leur première réunion cette semaine. Les commissaires d'école qui vont faire partie de ces conseils ont été élus pour administrer les conseils scolaires existants - et non pour assumer la responsabilité de la restructuration du système scolaire au Québec. Même eux sont préoccupés par les délais qui leur sont imposés.
Le 6 octobre 1997, la Gazette de Montréal publiait un article intitulé «Les conseils doivent s'empresser de créer des conseils scolaires - Les commissaires se disent préoccupés parce qu'ils ont peu de temps pour consulter les parents.»
L'article renfermait le passage suivant:
«Ce qui se passe, c'est que les conseils provisoires ont beaucoup d'autorité et de pouvoir, et peuvent prendre des décisions importantes sans consultation», de dire Marcus Tabachnick, président du Lakeshore School Board et membre du conseil provisoire du Western English School Board de l'île de Montréal.
«C'est terrible, parce que ce processus aurait dû s'échelonner sur une période de quelques années.»
Honorables sénateurs, j'abonde dans le sens des propos deM. Tabachnick, lesquels s'appliquent à notre situation. Le Sénat et la Chambre des communes jouissent aussi d'une grande autorité et de beaucoup de pouvoir, et tous deux peuvent prendre des décisions importantes sans consultation préalable. Je suis également d'accord avec lui quand il dit que l'on veut nous faire adopter précipitamment des changements extrêmement importants, des changements qui pourraient avoir des répercussions sur les Canadiens d'un océan à l'autre.
Cette modification à la Constitution soulève un grand nombre de questions intéressantes, auxquelles il nous faudra répondre avant de pouvoir adopter des résolutions. Quel genre de précédent cela crée-t-il? La formule d'amendement est-elle la bonne? Devrait-on permettre, au nom du gouvernement par la majorité, l'érosion des droits acquis et reconnus des minorités? Une analyse aussi approfondie ne peut pas se faire dans le court délai prévu dans la motion à l'étude.
La motion porte en effet que le rapport soit déposé dans les deux Chambres d'ici le 7 novembre 1997. Même si le comité était formé dès aujourd'hui, cela ne nous donnerait qu'une vingtaine de jours, fins de semaine comprises. Il sera impossible d'entendre toutes les personnes qui voudront venir témoigner devant le comité et de rédiger un rapport sérieux en si peu de temps.
Nous avons déjà reçu, à mon bureau, un grand nombre de demandes venant de personnes et de groupes qui souhaitent comparaître devant le comité. De plus, l'échéance du 7 novembre 1997 ne laisse pas beaucoup de temps aux groupes intéressés pour préparer leurs mémoires et présentations orales. Quiconque souhaite se faire entendre devrait pouvoir participer à ce débat.
Motion d'amendement
L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, l'intérêt de la démocratie ne serait pas bien servi si l'on précipitait l'étude d'une question aussi importante. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, je propose:Qu'on modifie la motion en retranchant
a) le dixième paragraphe et en le remplaçant par ce qui suit:
«Que le comité soumette son rapport final d'icile 31 décembre 1997; et
b) le douzième paragraphe et en le remplaçant par ce qui suit:
«Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer de ce qui précède et pour lui demander de souscrire aux amendements apportés par le Sénat visant à proroger la date de présentation du rapport du comité jusqu'au 31 décembre 1997.»
Je prie les honorables sénateurs de bien vouloir appuyer cet amendement.
(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
L'achat des hélicoptères dans les maritimes
Interpellation
L'honorable J. Michael Forestall, ayant donné avisle 1er octobre 1997:Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la question des hélicoptères embarqués.
- Honorables sénateurs, je prends la parole à peu près le jour même du quatrième anniversaire de l'annulation catastrophique du projet d'achat d'hélicoptères EH-101, qui devaient remplacer nos hélicoptères embarqués.
Après des années de planification, de propositions et de recherches par les militaires canadiens, le gouvernement a annulé le programme d'hélicoptères EH-101, privant ainsi la marine canadienne de matériel indispensable, des hélicoptères embarqués modernes, qui lui aurait permis de s'acquitter efficacement et pleinement de ses responsabilités.
Les membres braves et hautement professionnels des Forces armées canadiennes, une institution nationale, utilisent des hélicoptères Sea King depuis plus de 30 ans et ils n'auront d'autres choix que de continuer de les utiliser pendant encore dix ans avant de voir leur situation s'améliorer, et cela à cause de pratiques électoralistes.
(1700)
Honorables sénateurs, la décision d'annuler le programme d'achat des hélicoptères EH-101 reposait uniquement sur des motifs politiques. La défense du Canada est la responsabilité première du gouvernement, mais le gouvernement libéral s'est dérobé à cette responsabilité. Dans son rapport au premier ministre sur l'état des Forces canadiennes, M. Desmond Morton écrivait ce qui suit au sujet de l'annulation du programme d'achat d'hélicoptère EH-101...
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, pourriez-vous tenir vos conversations à l'extérieur de la Chambre pour que nous puissions comprendre ce qui se dit ici.
Le sénateur Forrestall: Votre Honneur, je ne comprends rien.
Desmond Morton déclarait au sujet de l'annulation du contrat d'achat des hélicoptères EH-101 que «l'ignorance et l'opportunisme» étaient les coupables dans cette histoire.
Honorables sénateurs, jamais un expert de la défense trié sur le volet par le gouvernement libéral n'a dit une chose plus vraie. «L'ignorance et l'opportunisme» décrivent l'attitude du gouvernement à l'égard de la défense nationale.
Honorables sénateurs, dans la préface du Jane's Fighting Ships 1996-1997, qui est l'une des publications sur la défense les plus respectées au monde, l'éditeur indique que parmi les questions concernant les forces navales des pays membres de l'OTAN, aucune n'a été plus teintée d'atermoiements bureaucratiques que le remplacement des hélicoptères Sea King. L'OTAN, les Forces canadiennes et les contribuables canadiens ont été victimes de la négligence du gouvernement et de son opportunisme politique et j'ajoute que cet opportunisme s'est fait au détriment des Forces armées canadiennes.
D'après les estimations officielles, l'annulation du programme d'achat des hélicoptères EH-101 a coûté 480 millions de dollars aux contribuables canadiens. Or, les chiffres les plus récents publiés dans le Toronto Star indiquent 764 millions de dollars, soit près d'un milliard de dollars dépensés en pure perte. Ce montant, qui correspond aux frais d'annulation du contrat, est de loin inférieur aux autres pertes secondaires résultant des gestes irresponsables posés par le gouvernement.
Combien d'emplois ont été perdus à cause de l'annulation du programme? Combien de petits entrepreneurs ont dû fermer leur entreprise? Combien d'argent a été perdu en recettes fiscales? Combien de millions de dollars avons-nous perdu en manque à gagner sous forme de redevances canadiennes sur chaque hélicoptère EH-101? Nous aurions pu retirer des redevances considérables, plus de 10 p. 100, sur chaque exemplaire vendu n'importe où dans le monde. Il est ironique de penser qu'en fin de compte, nous aurions eu la majeure partie de notre flotte d'hélicoptères gratis. Honorables sénateurs, quand on tient compte de ces facteurs dans l'équation, il ne fait aucun doute que l'annulation des EH-101 nous a coûté bien plus d'un milliard de dollars. C'était de la négligence pure et simple et un acte totalement irresponsable.
Honorables sénateurs, pour le moment, supposons que le chiffre de 764 millions de dollars avancé par le Toronto Star, quant au coût payé par le gouvernement pour annuler le contrat des hélicoptères, est exact. Je crois que c'est une estimation prudente. Ajoutons cette somme au coût d'entretien de la flotte des Sea King. En 1993, j'avais reçu, en même temps que d'autres sénateurs qui étaient membres du comité spécial mixte chargé de la politique de défense au Canada, une estimation exprimée en dollars de 1993 de ce que coûterait l'entretien de la flotte
d'hélicoptères Sea King pendant encore dix ans. Jusqu'à l'entrée en fonction progressive d'un nouveau type d'hélicoptère, ce qui ne se produira pas avant 2007, le coût d'entretien de la flotte des Sea King s'élèvera à 600 millions - pour l'entretien d'hélicoptères de 30 ans. Laissez-moi vous dire que ce n'est pas du travail facile. La plus grande partie, sinon la totalité, des travaux d'entretien est effectuée par des spécialistes très dévoués, près de chez nous, à la BFC Shearwater et à l'aéroport de Dartmouth. C'est tout un défi, et il n'existe pas d'équipe mieux placée pour entretenir ces hélicoptères vieillissants et désuets.
Calculons un peu. Nous avons dépensé 764 millions de dollars en frais d'annulation, plus 600 millions pour entretenir la flotte existante de Sea King, ce qui signifie que le gouvernement a dépensé au total 1,3 milliard de dollars - et il n'a toujours pas de nouveaux hélicoptères. Pour en acquérir, il devra verser au moins 2,2 milliards de dollars. Puis nous devons additionner un quart de milliard de dollars pour l'entretien de la flotte de base des vieux Labrador, nos principaux hélicoptères de recherche et de sauvetage qui doivent aussi être remplacés et qui le seraient maintenant par des EH-101. Si nous ajoutons encore 600 millions de dollars pour les coûts du programme de remplacement des hélicoptères Labrador de recherche et de sauvetage, peu importe ce que seront les nouveaux, nous arrivons an montant total de4,3 milliards de dollars pour remplacer les flottes existantes de Labrador et de Sea King - 4,3 milliards de dollars selon les calculs des libéraux.
Honorables sénateurs, c'est beaucoup d'argent et qu'est-ce que nous avons en échange? Pas un seul hélicoptère - pas un seul appareil qui soit neuf, sûr et fiable.
À son apogée, le programme des EH-101 aurait coûté seulement 4,3 milliards de dollars. Comme nous l'avons dit publiquement, et le gouvernement aussi aurait pu le faire, comme on l'y a exhorté: «Achetons ces bons moteurs et retirons les porte-avions de lutte anti-sous-marine coûteux et sophistiqués. Retirons-les et voyons un peu ce que serait le coût.» Ont-ils fait cela? Non. Combien d'argent le gouvernement a-t-il économisé en remplaçant les Sea King? Pas un cent. Qu'a-t-il fait pour la marine? Vraiment rien, sauf la doter d'un des meilleurs navires de guerre à moitié désarmé. Il n'y a pas un seul hélicoptère. C'est comme jouer au billard avec un nouille humide.
Honorables sénateurs, je n'ai pas inclus dans le budget les coûts secondaires et tertiaires associés à ce tripatouillage. Si je le faisais, le coût total dépasserait probablement nettement les5 milliards de dollars. Voilà pour les calculs. Nous pouvons ajouter à ce fiasco les autres erreurs que les libéraux ont commises pendant la campagne électorale, dans le cas de l'aéroport Pearson, par exemple. Y a-t-il quelqu'un qui ne s'en souvient pas? Y a-t-il quelqu'un qui ne se souvient pas de l'incident des Airbus?
Au diable les torpilles et faisons machine arrière! Voilà le mot d'ordre du gouvernement lorsqu'il est question de la Défense nationale. Ne vous y trompez pas. Nous tirons de l'arrière parce que les membres des Forces canadiennes pilotent encore des Sea King et des Labrador, la rumeur voulant que ces appareils soient remplacés par une version nouvelle des EH-101, appelée Cormorant. Pourquoi? Nous savions que nous allions acquérir ces appareils. C'est le seul appareil sécuritaire que l'on puisse acheter. Pourquoi? Il n'y a jamais eu de meilleure solution de rechange, de meilleur appareil pour exécuter les tâches que doivent accomplir les professionnels qui l'utiliseront. Nous avons besoin d'un hélicoptère qui peut survoler les Rocheuses à 8 000, 10 000 ou 12 000 pieds d'altitude avec un moteur. Nous avons besoin d'un hélicoptère qui peut aller à 400 ou 500 milles des côtes et en revenir. Voilà ce dont nous avons besoin. Il faut pouvoir procéder à ces opérations pendant la nuit et par mauvais temps. Il faut pouvoir procéder à ces opérations lorsque le point de rosée est tel que même les oiseaux auraient peur de voir de la glace se former sur leurs ailes.
Nous voulions acheter les appareils EH-101 parce qu'ils étaient sécuritaires. Ils rendaient sécuritaire le poste de travail des jeunes hommes et des jeunes femmes qui font partie des forces armées. Dans l'avis qu'il a donné au premier ministre,M. Morton a dit qu'il semble que nous verrons bientôt, sous une appellation différente, les hélicoptères EH-101, parce qu'il n'y a jamais eu de meilleure solution de rechange. Même les libéraux le reconnaissent maintenant. Nous avons remarqué que trois députés libéraux du Québec se sont ralliés et qu'ils appuient l'idée. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de meilleure solution.
Voyons les options. Le Cormorant est l'appareil le plus efficace pour les opérations. Il s'agit de l'appareil EH-101. Le Sikorsky Maple Hawk est un hélicoptère naval qui a fait ses preuves, mais il n'y a pas suffisamment de place dans sa cabine pour les systèmes nécessaires à la mission et les survivants sauvés en mer. L'Eurocopter Cougar II n'a pas fait ses preuves comme hélicoptère naval et offre nettement moins de possibilités que l'appareil EH-101. L'Eurocopter NH-90 n'est pas encore au point.
(1710)
Enfin, le Sikorsky S-92, une version nouvelle et plus grande du Maple Hawk, n'est pas du tout un modèle d'hélicoptère commun et cela nous ramène à notre point de départ: le EH-101 ou le Cormorant. En fait, si l'on tient compte de tous les coûts rattachés à l'annulation de la commande des EH-101, de l'entretien de la flotte d'hélicoptères actuelle, du fait que ce programme ne coûtera pas moins que l'achat des EH-101 prévu à l'origine, pourquoi ne pas épargner du temps et éviter toute controverse additionnelle en annonçant dès maintenant la commande? Pas en avril prochain ou dans deux ans, mais dès maintenant.
Honorables sénateurs, la marine canadienne a attendu pendant trop longtemps l'arrivée de ces appareils multiplicateurs de force sur les ponts de ses destroyers et de ses frégates. Les hélicoptères sont essentiels à l'efficacité opérationnelle de nos nouveaux navires. Je suis certain que tous les sénateurs présents se souviennent d'une récente opération de sauvetage en mer durant laquelle la brave équipe d'un Sea King a sauvé un groupe de marins en détresse dont la vie était en danger. Les membres de l'équipage ont récemment été décorés pour leur bravoure désintéressée. Des gens sont encore en vie aujourd'hui parce que ces militaires font leur travail, peu importe le matériel qu'on met à leur disposition. En fait, il n'est pas rare que les hommes et les femmes des forces canadiennes risquent leur vie pour les autres.
De plus, il n'est pas rare de voir entrer au port une frégate ou un destroyer emportant sur leur pont un Sea King peu fiable et incapable de voler à cause d'avaries mécaniques. C'est la réalité et il nous faudra nous en accommoder, car ces appareils sont en service depuis déjà 30 ans. Que dirait le gouvernement pour se
justifier, s'il y avait un navire en détresse en mer et que la frégate ou le destroyer le plus proche n'était pas en mesure de secourir l'équipage parce que son Sea King est inutilisable? Cela pourrait arriver, honorables sénateurs. Plus on tarde, plus cela risque d'arriver et plus notre honte sera grande.
Les contribuables canadiens ont dépensé des milliards de dollars pour doter notre marine de 16 des navires de surface les plus efficaces au monde, mais pour que ceux-ci donnent leur plein rendement, il faut absolument qu'ils soient équipés d'un hélicoptère maritime moderne comme le EH-101. S'il n'achète pas un hélicoptère efficace, le gouvernement condamne nos navires et leurs équipages ainsi que l'industrie canadienne à une place de second rang. Nous pouvons envoyer des navires fabriqués par la Saint John's Shipbuilding en mission autour du monde - comme le gouvernement l'a fait - dans l'espoir de donner un brillant exemple des réalisations de l'industrie canadienne, mais personne n'en voudra. Pourquoi? Parce qu'ils ont de vieux, pour ne pas dire vétustes, Sea King perchés sur leur pont.
C'est comme si l'on essayait de frapper des boules de billard avec une nouille de spaghetti plutôt qu'avec une queue de billard. La Saint John's Shipbuilding a dû mettre de nombreux employés en disponibilité faute de commandes et son chantier est aujourd'hui pratiquement vide. Pourquoi ne pas nous atteler résolument à la tâche? Pourquoi ne pas serrer les dents et montrer de la fermeté dans l'adversité? Si nous avons besoin d'un hélicoptère, pourquoi avoir peur de l'acheter de Boeing? Un peu de cran, je vous dis; redressez-vous. Annoncez que vous allez acheter le EH-101, et qu'on en finisse.
Son Honneur le Président: Si personne d'autre ne veut intervenir, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.
L'enseignement postsecondaire
Adoption de la motion modifiée tendant à constituer de nouveau le comité spécial
L'honorable M. Lorne Bonnell, conformément à l'avisdu 2 octobre 1997, propose:Qu'un comité spécial du Sénat soit formé pour poursuivre l'enquête au sujet de la gravité de l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada; et
Que, dans le respect des attributions constitutionnelles des provinces, le comité soit autorisé à faire enquête et rapport sur l'état de l'enseignement postsecondaire au Canada, ce qui englobe l'examen:
a) des objectifs nationaux, régionaux, provinciaux et locaux du système d'enseignement postsecondaire au Canada;
b) de l'importance de l'enseignement postsecondaire au Canada sur les plans social, culturel, économique et politique;
c) des rôles des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux;
d) de la capacité des universités et collèges canadiens de s'adapter au nouveau marché de l'enseignement qui est en train d'émerger, et notamment à l'évolution des programmes d'études, aux nouvelles technologies, au télé-enseignement, à l'éducation permanente et à l'alternance travail-études, ainsi qu'à l'éducation des adultes et aux études à temps partiel; et
e) du Programme canadien de prêts aux étudiants et des différents programmes provinciaux et territoriaux d'aide financière aux étudiants, ainsi que des préoccupations croissantes au sujet de l'endettement des étudiants;
et à cerner les domaines où une plus grande coopération est possible entre tous les niveaux de gouvernement, le secteur privé et les établissements d'enseignement;Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le sous-comité de l'enseignement postsecondaire du comité sénatorial permanent des affaires sociales, sciences et technologie dans la deuxième session de la trente-cinquième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité spécial soit composé de sept sénateurs et que le quorum soit de trois membres.
Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;
Que le comité soit habilité à autoriser, s'il le juge opportun, la radiodiffusion et la télédiffusion de la totalité ou d'une partie de ses délibérations;
Que le comité présente son rapport final au plus tardle 11 décembre 1997; et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final, et ce jusqu'au 31 décembre 1997; et
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
- Honorables sénateurs, plutôt que de faire un grand discours et de retenir tout le monde - je sais qu'il se fait tard -, je voudrais y renoncer et proposer que la motion soit adoptée comme lue, et demander le consentement unanime pour faire l'amendement de fond qui suit.
L'amendement concerne la partie qui commence ainsi:
Que le comité spécial soit composé de sept sénateurs...
Je voudrais amender cette partie pour qu'elle se lise ainsi:
Que, nonobstant l'alinéa 85(1)b) du Règlement, le comité spécial soit composé de sept sénateurs, soit les honorables sénateurs Andreychuk, Bonnell, Forest, Lavoie-Roux, Losier-Cool et Perrault, DeWare et que le quorum soit de trois sénateurs;
L'amendement à cette partie serait adopté par consentement unanime.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il des questions en ce qui concerne l'amendement que propose le sénateur Bonnell? Y a-t-il consentement unanime pour adopter la motion originale?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Nous sommes donc de retour à la motion originale avec l'amendement proposé par l'honorable sénateur Bonnell.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)